Ce texte fait partie du feuilleton de Nicole "Au fil des bulletins scolaires" Lire l’ensemble
Les vacances passent trop vite ; c’est déjà la rentrée en 3ème latine (l’actuelle 4ème).
Je suis toute contente car j’ai encore dans ma classe Colette, en gréco-latines comme moi et Françoise, en latin-maths. Les 6 élèves qui ont choisi latin-maths sont considérées comme des as au sein de l’école. En latin et grec nous avons comme prof une religieuse : Mère Marie Julienne, dite Juju ; en religion, le seul homme fréquentant l’établissement : l’Abbé Jossart ; en néerlandais, Madame Hendrickx qui donne cours en néerlandais et s’attend à ce que nous comprenions tout. Je suis totalement noyée ; parfois je ne comprends même pas l’énoncé de la question…aussi je suis des cours semi-particuliers avec elle pendant la pause de midi. Mais mes points aux bulletins hebdomadaires sont très faibles, dans toutes les branches d’ailleurs.
Un samedi de fin septembre, mes points sont tellement mauvais que je n’ose pas rentrer à la maison. J’en parle à ma titulaire, Juju, qui me propose de voir les parents et d’arrondir les angles. J’accepte avec reconnaissance et Papa vient la voir. Je ne sais pas ce qu’ils se sont dit (je dois attendre dans le parloir voisin…) mais je n’ai pas essuyé la colère de Mammy (ma maman).
Le mardi suivant, nous devons aller avec la classe visiter l’exposition. Visite qui est annulée par Juju suite à un chahut. Toutes les élèves sont furieuses, Françoise en tête, et décident d’organiser un chahut blanc au prochain cours de latin, cours pendant lequel les élèves doivent être totalement inertes. Je suis très mal prise et refuse de participer à cette opération car j’ai une dette envers Juju. Aussi, à ce fameux cours, je suis la seule à lever le doigt et répondre aux questions. Juju se rend bien compte de quelque chose mais fait semblant de rien et continue à donner son cours en souriant. Cela dure bien une demi-heure. Puis, de guerre lasse, un par un, quelques doigts se sont aussi levés et le cours s’est terminé normalement malgré quelques irréductibles dont Françoise. Françoise qui est furieuse et en veut énormément aux « traîtres ».
Fin du 1er trimestre, mon bulletin de Noël est catastrophique : 49,5%. Entraînée par Colette je demande à Juju ce que je peux faire pendant les vacances pour essayer de m’améliorer. Juju nous répond : « reposez-vous, et revenez en bonne forme au second trimestre » A mon avis elle n’a pas envie de préparer du travail et de le corriger à la fin des vacances. Je rentre à la maison, tremblante, avec mon mauvais bulletin et, comme je m’y attendais, la colère de Mammy est terrible. Elle me dit « Tu vas travailler pendant les vacances, j’y veillerai ! ». Je réponds insolemment « Juju a dit qu’il ne fallait rien faire. » Mammy reprend « ça ne se passera pas comme ça, viens, on va voir la directrice ». Ni une, ni deux, nous embarquons et après un trajet rapide nous voilà devant Mère Marie Bernadette qui – par malheur- est justement libre. Mammy, très énervée, explique la raison de sa présence. Mère Bernadette tente de la calmer en disant que ce n’est pas si grave. La tension monte, je ris nerveusement, Mammy dit en pleurant que si je continue comme cela je dois doubler mon année ; à ce moment mère Bernadette, dodelinant de la tête et plissant les yeux dit d’un ton sentencieux la parole historique « la mère pleure et la fille rit ! ». Mammy continue « En plus, Nicole ose me dire que Mère Marie Julienne lui a recommandé de se reposer, c’est un comble ! » La directrice appelle Juju qui – la traîtresse- prétend n’avoir jamais dit cela et est sommée de me préparer du travail pour tous les jours de vacances. A ce moment seulement, devant une telle trahison, je fonds en larmes. Nous revenons à la maison ; Mammy un peu calmée et moi avec une tonne de travail…Les vacances de Noël sont moroses.
Au second trimestre, étroitement surveillée (plus de JEC, plus de sortie…), je travaille d’arrache pied. Mais à Pâques mes résultats sont tout aussi lamentables…et mes vacances moroses et studieuses.
Au courant du 3ème trimestre, je n’en peux plus : j’en ai marre de toujours travailler, j’en ai marre d’être considérée comme immature, j’en ai marre de l’école, des profs, de Mammy, j’en ai marre de tout. Aussi, avec Françoise, nous formons un grand projet : partir loin, où on ne trouvera pas, bref : fuguer. En raclant nos fonds de tiroir nous avons de quoi acheter un billet de chemin de fer pour Paris. Après ? Eh bien, nous ferons du stop.
Nous avons l’intention de descendre à la Côte d’Azur. Françoise y a passé les vacances de Pâques. Elle connaît un camping, pas trop cher. Nous nous débrouillerons pour trouver du travail ; avec notre connaissance du néerlandais, nous trouverons de quoi travailler dans le tourisme.
Je dis à la maison que je suis invitée pour le W.E. chez mon amie Françoise et Françoise dit qu’elle est invitée chez moi. En partant un vendredi après-midi, nos parents ne nous rechercheront pas avant 3 jours. Le jour où nous décidons de partir, je vais à l’école munie d’un petit sac de voyage avec un peu de linge, une trousse de toilette et mes 2 livres préférés. Je compte laisser mon cartable à l’école pour voyager léger. Françoise, plus prévoyante que moi, porte une jupe sous sa jupe d’uniforme. Qu’elle est futée !! Donc, ce vendredi après-midi, à la fin de la récréation (il ne faut pas être absent à la première heure à cause de la prise de présences), nous ne remontons pas en classe mais nous nous cachons dans le couloir des toilettes et attendons que tous les rangs soient rentrés dans les classes. Au bout de quelques minutes, tout est silencieux, nous pouvons sortir de notre cachette. Patatras ! à la fin du couloir nous tombons nez à nez avec une religieuse. Futée, elle aussi, elle se rend compte à nos mines gênées que quelque chose de louche se prépare et nous emmène illico chez la préfète. Le pot aux roses est découvert…et notre fugue étouffée dans l’œuf !
Déconfite, je suis rentrée à la maison comme à l’habitude, expliquant aux parents que mon W.E. chez Françoise avait dû être reporté et trouvant une excuse au billet de retenue à leur faire signer.
Ma troisième latine se termine finalement avec des résultats en hausse (57%) qui me permettent tout juste de passer en poésie avec seulement un examen de passage. Résultat inespéré et grand ouf de soulagement !
Pendant les grandes vacances je passe 3 semaines dans une famille hollandaise. Et là, le déclic se fait : je fais de grands progrès en néerlandais. Les trois semaines suivantes, Annette, la jeune fille hollandaise, vient à la maison dans le même but. Nous nous entendons bien, participons au camp JEC ensemble et je m’émancipe un tout petit peu de la tutelle maternelle.
Annie Boisdenghien Répondre
Merci Raton Laveur. Ton parcours scolaire est remarquable. Quelle rebelle courageuse. Quelle détermination et quel esprit d’organisation pour ta fugue avec ton amie. Heureusement que la "grosse bêtise" a été évitée grâce à la sagacité d’une des religieuses.
Pour moi la manière de lutter contre toutes les contraintes injustifiées, c’était de me réfugier avec rage dans l’étude, l’étude et encore l’étude. Ainsi à force de joyeux travail , la version latine , la traduction immédiate du latin et le thème grec n’avait plus de secret pour mon cerveau en perpétuel éveil. Tout cela dans le but de me faire apprécier. Le résultat n’atteignit pas mes espérances. Au contraire, mes camarades de classe me mettaient à l’écart en se moquant de Miss "Perfecta". Alors, tu vois, les amitiés rendent plus heureuse que la connaissance du latin et du grec, et de brillants résultats scolaires.