Ce texte fait partie du feuilleton de Nicole "Au fil des bulletins scolaires" Lire l’ensemble

Septembre 1959, rentrée en poésie. J’ai globalement la même classe qu’en 3ème. Même titulaire, même prof de maths, de religion, mêmes élèves…Et j’ai toujours la même attitude face au travail, le même manque de motivation jusqu’au jour où…

Un matin d’octobre, comme souvent, je n’ai pas fait mon devoir de version latine et profite de la « juxta » d’une élève pour vite recopier la traduction de l’extrait à traduire avant l’entrée en classe. Le lendemain, Juju, radieuse, commente les devoirs et encense « ma » traduction. Elle ne se tarit pas d’éloges, et m’a mis un 19 sur 20 car, tout de même, la perfection n’est pas de ce monde. Moi, je suis toute rouge et ne sais où me mettre. Je voudrais disparaître sous terre. Après le cours, elle m’appelle et me dit qu’avec un talent pareil pour les versions elle va m’inscrire, avec trois autres bonnes élèves, au concours interscolaire de version latine. Il faudra beaucoup travailler, elle nous entraînera 2 à 3 fois par semaine, nous donnera des versions supplémentaires qu’elle corrigera sévèrement, comme au concours, etc… Avec un entraînement pareil et forte de sa confiance – imméritée, je sais – je fais des progrès énormes et deviens réellement bonne, non seulement en versions mais en tout.

Au concours interscolaire, je ne suis que 17ème. Je sens que Juju est déçue ; mais pour moi, quelle victoire ! De plus, à la fin du trimestre, je ramène un bulletin plus qu’honorable à la maison : 67% et aucun échec ! Voilà, l’engrenage s’est mis en route ; je constate que je suis capable de ne plus être à la traîne, je me mets à aimer être considérée comme bonne élève, je me mets même à aimer étudier certaines branches. Vu ces progrès, les parents sont de meilleure humeur, il y a moins de tensions à la maison….bref, tout doucement je sors de ma coquille et me réveille.
Merci, Juju !

Comme un bonheur ne vient jamais seul, je reçois une chambre pour moi seule. Jusqu’à présent je dors avec mes sœurs dans une grande chambre comprenant 3 lits, 3 tables de nuit, 3 penderies, 3 armoires,…et un bureau sur lequel je travaille. Mais je n’ai aucune intimité. Nadette et Sabine s’entendent comme larrons en foire, elles vont ensemble à l’académie de musique et partagent beaucoup d’activités dont je me sens exclue. La chambre de la bonne au 2ème étage s’est trouvée libre et les parents la font aménager pour moi. C’est le comble du bonheur ; je suis au 7ème ciel.

Mammy ne me considère plus comme une petite fille. J’ai même l’autorisation de porter des bas nylon. Quelle promotion ! Pourtant, comme il faut les attacher avec des jarretelles – les collants n’existent pas encore – ce n’est pas très confortable. Enfin je peux m’habiller comme les autres !

Mon année scolaire se passe correctement et je réussis avec un honorable 67%.

Depuis plusieurs mois les journaux parlent des émeutes au Congo. De nombreux belges pourtant établis au Congo depuis longtemps reviennent précipitamment, abandonnant tous leurs biens. Les congolais réclament l’indépendance qui leur sera finalement accordée ce 30 juin 1960. Kasa-Vubu en est le président et Lumumba le premier ministre. Le roi Baudouin ira en personne à Léopoldville (rebaptisée par la suite Kinshasa) assister aux cérémonies de l’indépendance. Comme beaucoup de monde nous n’avons pas la télévision (encore en noir et blanc, d’ailleurs) et nous écoutons avec passion les reportages de la radio nationale, l’INR.

En juillet nous allons passer 2 semaines de vacances en Italie, sur la côte adriatique à Cattolica. Grande première : nous allons à l’hôtel. C’est mon premier voyage en Italie, ce sont mes premières vacances à l’hôtel. Bien sûr, nous voyageons en train. Comme les vacances ne sont pas synonymes de paresse, nous visitons quelques villes des environs dont Ravennes et ses magnifiques mosaïques. Sans voiture sur place, nous empruntons les trains et bus locaux et chaque excursion prend pas mal de temps. Un jour, un jeune italien, fils du patron de l’hôtel, me propose une ballade en bateau. Proposition que j’accepte avec joie et l’accord des parents. Nous voilà en mer hors de la vue à partir de la plage et soudainement il me serre contre lui et essaye de m’embrasser. Je suis toute effarouchée et me mets à hurler. C’est stupide car personne ne peut m’entendre mais cela a suffi pour lui faire arrêter sa tentative. Nous sommes rentrés sans piper mot et je n’ai rien raconté à personne. Voilà mon tout premier contact avec « les garçons ».
Puis camp JEC avec Françoise et ma correspondante hollandaise Annette Hillen avec qui je suis restée en contact. Comme les fois précédentes, j’adore le camp, l’ambiance, la camaraderie, les feux de bois le soir, les veillées, et même les corvées. Comme chaque fois le retour et la reprise de la vie quotidienne sont durs.
Enfin, 2 semaines à Arnhem dans ma famille hollandaise. Mon néerlandais s’étant nettement amélioré, j’y passe un séjour très agréable. Annette, férue de voile m’emmène avec elle faire du bateau dans un centre spécialisé à Zwolle. C’est là que j’apprendrai à manier un petit voilier. Je trouve cela follement gai.
Lors d’un repas, des touristes français ne comprenant rien au menu, je leur sers de traductrice. Me prenant pour une hollandaise, ils s’extasient sur ma connaissance du français !

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