Extrait de "Nous racontons notre vie" 2020-21
Je suis née à Basse-Wavre en 1939.
Mon premier amour, c’était quand j’avais treize ans ; j’étais amoureuse de mon voisin qui avait 17 ans. Il ne me regardait pas car j’étais une gamine, j’adorais l’écouter chanter. A la campagne le soir, on faisait la veillée. Les adultes amenaient leur chaise sur le trottoir et les enfants jouaient autour. On bavardait entre voisins. Quand tout à coup, il y a eu un gros orage impressionnant. Je suis rentrée à la maison et me suis réfugiée au fond du couloir. J’ai dit « Marc, j’ai peur ». Et Marc m’a prise doucement par les épaules et a mis ses lèvres sur les miennes. Ah mon Dieu, j’étais au paradis ! Et dans ma tête s’est créée toute une histoire. Mais Marc était amoureux d’une fille de son âge et, bien sûr, j’ai fait mon deuil. Trente ans après, je l’ai rencontré. Il avait bien sûr épousé cette fille mais moi, qui l’avais idéalisé, je l’ai alors trouvé bête et très moche.
J’ai toujours vécu en Belgique mais j’ai toujours été attirée par les étrangers, par ceux qui étaient différents de moi. Je ne voulais pas épouser un Belge. Et pourtant, je me suis mariée avec un vrai Belge…il s’appelait Dubois !
Comme j’ai été orpheline assez jeune, je voulais fonder une famille pour retrouver des racines. Quand j’étais jeune, je disais « je veux 12 enfants », comme Joséphine Baker. Mais finalement, je n’en ai eu que 2.
J’ai élevé mes enfants en étant très heureuse comme cela mais, quand ils sont arrivés à l’âge adulte, je me suis dit : « et moi je fais quoi maintenant ? ». Avant, j’étais la fille de mes parents, l’épouse de mon mari, la mère de mes enfants et enfin, je pouvais être moi-même, je trouvais ça très gai, j’avais la quarantaine. Et là, la révolution a commencé. Tout à coup je voulais mon indépendance, gérer mon budget et ce que j’avais trouvé normal, pendant des années, ne me convenait plus. Cela m’agaçait quand je devais rendre des comptes.
Comme cela ne passait plus bien avec mon mari, je suis allée voir un psy mais cela n’a pas arrangé les choses. Lorsque j’ai compris que j’étais capable de le quitter, je n’en ai plus eu envie. On est donc restés ensemble en vivant un peu côte à côte.
En 2014, il est tombé gravement malade. On a vécu alors à deux les trois mois de soins palliatifs à la maison. C’étaient des moments très tristes mais aussi les plus beaux passés ensemble. Il allait mourir, on le savait, on en avait parlé et j’ai donné trois mois de ma vie intensément. Pendant tout ce temps, on a beaucoup pleuré mais on a aussi beaucoup ri car il avait pas mal d’humour et on s’est tout dit !
clodomir Répondre
très émouvant !