En tant que journaliste médical, j’ai été amené à voyager pour couvrir des congrès médicaux, en ce compris dans plusieurs pays musulmans. J’y ai toujours été reçu avec beaucoup de respect et de gentillesse. Pas seulement par le personnel de l’hôtel, mais aussi par les passants à qui je demandais mon chemin par gestes, en montrant un morceau de papier où j’avais gribouillé l’adresse où je devais me rendre.
En 2006, dans l’avion pour Istanbul, ma voisine m’a proposé de me servir de guide dans sa ville. Elle m’a montré le palais de Topkapi aux robinets en or, plusieurs mosquées, le Bosphore. Un jour, nous nous sommes retrouvés involontairement au beau milieu d’une manifestation communiste. Bon enfant et disciplinés, les révolutionnaires s’arrêtaient aux feux rouges. Musulmane ne portant pas le voile, ma guide m’a parlé de sa religion, avec beaucoup de tolérance pour les objections de l’infidèle que j’étais. C’est cette rencontre qui m’a – lentement – fait changer mes idées sur l’islam.
En Égypte, j’ai rencontré une Américaine d’origine mexicaine. Convertie à l’islam, se sentant mal à l’aise aux États-Unis, elle a émigré avec son mari arabo-américain. Elle porte des voiles aux couleurs vives et a un sourire ravageur. Vidéaste sous-marine, elle réalise des films superbes, que l’on peut voir sur Facebook.
Des bédouins égyptiens m’ont invité à prendre le thé chez eux, de manière impromptue. C’était du thé en sachet, mais c’était de bon cœur. Je me suis demandé s’il fallait demander ce que je leur devais. Dans le doute, je me suis abstenu. Bien m’en a pris, je les aurais gravement insultés.
Par contre, j’ai manqué de respect envers la petite bédouine à qui j’ai acheté un bracelet sans marchander. Fièrement, du haut de ses 10 ans, elle a lancé un deuxième bracelet à mes pieds : elle ne voulait pas de ma charité.
Je me suis promené sur le marché de Bamako, seul européen au milieu d’une foule d’Africains. Je me suis promené seul dans des ghettos noirs, un peu partout aux États-Unis. Sans problème.
À force, j’ai fini par trouver que le voile musulman était sexy et qu’il mettait les yeux en valeur. Et je me suis rendu compte que les femmes voilées ne sont pas toutes des terroristes, que l’on peut même parler et plaisanter avec certaines d’entre elles. J’avoue cependant ne pas être à l’aise devant la burqa.
À Bruxelles, j’ai eu l’occasion de visiter des familles musulmanes. J’ai toujours été très bien reçu, dans des intérieurs impeccablement tenus. Avec le recul, je regrette de ne pas m’être déchaussé, comme eux, par politesse.
Tout cela m’a amené à revoir pas mal d’idées reçues, basées en grande partie sur l’ignorance et la peur de l’inconnu, du genre « tous des profiteurs, des fainéants, et de dangereux délinquants ». Je ne veux pas paraître angélique non plus, il y a des mauvais partout. Mais aussi chez les gens bien de chez nous. J’ai eu des ennuis avec des Arabes, mais aussi avec des blancs-bleus-belges. Je refuse dorénavant les amalgames et les généralisations. Je refuse les emails haineux et racistes. Tant pis pour ceux et celles qui ne l’acceptent pas, je me porte mieux lorsque je ne vis pas dans la haine.
Et je me demande dans quelle mesure certains expatriés ne se comporteraient pas mieux s’ils n’étaient pas l’objet de vexations et d’exclusions, s’ils étaient traités avec respect. Je sais de quoi je parle : je suis d’origine polonaise. Une voisine de palier, belge, m’a récemment dit de retourner dans mon pays. Je me suis aussi fait traiter de ‘Belge’ par un Africain. De ‘Belge’, pas de ‘sale Belge’…
On reproche aux immigrés de profiter de la sécurité sociale belge. Quand nous sommes arrivés en Belgique en 1946, réfugiés politiques, avec littéralement ce que nous avions sur le dos, ma famille a bénéficié de la générosité belge. Je crois pouvoir dire que nous avons largement remboursé notre dette envers la société, depuis.