Gérald Mc Kenzie était anglais. Le Mc de son nom s’écrit Mc et est donc d’origine irlandaise. Les Mac (mac) sont eux d’origine écossaise.
Gérald était soldat dans l’armée britannique pendant la guerre (24ème Lanciers). Il a débarqué en tank en juin 44 sur une petite plage proche d’Arromanches en Normandie baptisée, pour la circonstance « GOLD ».
Lors du débarquement, son unité fut décimée à plus de 80 %. Ce fut SON jour le plus long car, malgré l’amplitude des forces déployées, il a perdu la plupart de ses copains. Comme toutes les peines profondes, il n’en parlait jamais. Je me rappelle que, chaque année, le 6 juin, il se recueillait, malgré qu’il ne soit pas croyant, dans une église, pour rendre hommage à tous ses camarades décédés lors de cette opération.
Il fit partie de ces combattants anonymes étrangers qui vinrent sur le continent pour libérer la France et la Belgique et souvent à leurs dépens.
Gérald est né en septembre 1922 à Liverpool. Son père était agent de change et sa mère, que je n’ai vue qu’une fois en 1946, s’occupait de la maison, Gérald étant le dernier né d’une famille de huit enfants.
Lors de la grosse crise économique des années 30, le commerce de son père a périclité et les années dures ont commencé.
En 1939, la Grande Bretagne se sentant menacée et craignant d’être envahie par les allemands a posé des vigiles tout le long des côtés anglaises. Gérald ne pouvant pas poursuivre ses études à cause de la situation financière de ses parents, s’est porté volontaire à l’armée pour devenir vigile. Il avait alors 17 ans. Tous ces vigiles recrutés partout en Angleterre étaient disséminés le long des côtes anglaises et devaient prévenir les gardes-côtes au moindre mouvement suspect de circulation maritime. Ils n’étaient évidemment pas armés, sinon … d’un bâton.
Engagé à l’armée, il a, à la déclaration de guerre, joué son rôle de soldat de l’armée de terre (section des tanks) et a de ce fait participé au débarquement en Normandie.
Toutes ces unités étaient rassemblées près des ports du sud de l’Angleterre, mais aucun soldat ne savait évidemment ce qu’il allait se passer, ni pour quelle destination.
Pour détromper les rumeurs éventuelles, ils ont tous été vaccinés contre des maladies tropicales qu’ils auraient pu contracter en Afrique.
Résultat : quand ils ont embarqué dans leurs tanks sur les bateaux, ils croyaient tous partir pour de lointaines contrées. De plus, la plupart des soldats étaient malades à cause du mauvais temps et suite aux vaccins qu’ils avaient reçus.
Il a eu la chance d’en être sorti, diminué physiquement et surtout moralement vu la violence des combats et les pertes humaines déplorées.
Son unité ayant été décimée, il a été affecté à une autre unité qui s’est elle dirigée vers le Pas de Calais, puis Tournai, puis … Bruxelles.
Les premières troupes sont arrivées dans la soirée du 3 septembre. Il était tout juste 7 heures du soir lorsqu’un char d’assaut britannique Cromwell a pu traverser le Boulevard Anspach à toute vitesse pour se diriger vers le Cinquantenaire, balayant sur son passage le peu de résistance qu’il rencontrait.
Ce blindé des Welsh Guards était commandé par le Capitaine John Dent.
Les principales rues de la capitale étaient désertes.
Mais le lendemain, dès l’aube, quelle animation !
Bruxelles manifestait dans le délire les deux sentiments qui l’animaient : l’allégresse et avant tout l’émotion.
Lorsque la Brigade Piron pénétra ensuite à son tour dans la ville, elle fut accueillie aux cris frénétiques de Vive la Belgique !
Que ce soient les autos-mitrailleuses ou les chars, tous étaient pris d’assaut. La foule voulait embrasser et fêter dans la joie ses libérateurs, les fameux "Tommies".
Après 4 ans d’occupation allemande et de privations, quelle délivrance !!!
Les tanks des tommies, comme on les appelait, après avoir défilé dans Bruxelles, devaient se rendre près du palais royal de Laeken pour y passer la nuit.
Aussi, toute la colonne des tanks est remontée du centre de la ville vers la Place Communale de Laeken et puis l’avenue Houba pour se rendre vers le parc de Laeken.
Habitant rue Jean Baptiste Depaire, tout près de l’avenue Houba, Maman et moi étions aux premières loges pour les voir passer. Quand la foule a commencé à se manifester, Maman et moi sommes descendues vers l’Avenue Houba pour participer à la joie de tous.
Je portais une jupe à trois pans : noir, jaune et rouge. Maman avait cousu, en cachette, cette petite jupe en vue de cet événement espéré de tous. Un gros nœud noir, jaune, rouge était attaché dans mes cheveux pour tenir ma « crolle », comme on disait à Bruxelles. J’avais trois ans et deux mois !
Je sais que l’on m’a hissée, ainsi que d’autres enfants, sur plusieurs tanks. Quel honneur ! Maman, dans la foule, me suivait toujours des yeux pour ne pas me perdre et avançait en même temps que la foule. Fête de délire, rires, sourires, cris, chants, yeux heureux, farandoles …
Le lendemain de cet après-midi de délire, tous les tommies déambulaient dans les rues du quartier. Pays étranger, gens inconnus et ne parlant pas leur langue, désœuvrés par l’inaction, … mais toujours admirés.
Maman, ma grand-mère (en visite chez nous) et moi étions à la fenêtre pour participer au spectacle et admirer nos libérateurs.
Ma grand-mère ayant vécu quatre ans en Angleterre pendant la 1ère guerre mondiale, pouvait encore se débrouiller en anglais. Aussi, a-t-elle interpellé les deux anglais passant devant chez nous et les a invité « to drink a nice cup of tea ». Ils s‘appelaient Leslie et Gérald.
Quelques jours plus tard, ils sont repartis avec leur Unité vers l’Allemagne en passant par les Ardennes.
Début 45, retour d’Allemagne, Gérald a réapparu à Bruxelles et est revenu dire bonjour à Maman.
Coup de foudre ??? Je suppose que oui...
Papa, officier de carrière et absent pendant toute la guerre, se trouvait encore en Hollande à Nijmegen. Il n’est revenu en Belgique que dans le courant de 1945.
Dès ce moment, ma grand-mère, et elle me l’a dit beaucoup plus tard, a réalisé qu’elle avait, par une après-midi de début septembre 1944, introduit le loup dans la bergerie en offrant une tasse de thé à deux tommies égarés dans Bruxelles.
A dater de ce jour, le couple de mes parents était en danger.
Papa en revenant en Belgique n’a plus retrouvé sa place au sein du ménage.
françoise T Répondre
bravo pour l’ambiance si bien decrite françoise