Grande ville de mon pays, je te connais à peine. Je te vois en images à la télévision et, parfois, je te lis dans des livres, sur le Net ou dans les journaux.
Au fond de ma mémoire, il reste quelques clichés, des souvenirs d’excursions scolaires comme ta Grand-Place, ton parlement, l’Atomium, le Planétarium et ton fidèle ami, ce gamin souriant qui change de costume à chaque grande occasion. On m’a souvent conté que ton Manneken Pis faisait l’unanimité. Est-il réellement le roi de la fête quand les touristes affluent au pied de sa fontaine ?
Ces dernières années, je t’ai rendu visite deux fois. Lors de ma première expédition en août 2008, j’ai vu ta gare du Nord où les gens nombreux se fréquentent sans même se côtoyer. J’étais une étrangère au cœur d’une foule immense qui allait en tous sens. À la sortie de la gare, j’ai attendu ton tram. En m’engouffrant dedans, j’avais une inquiétude, celle de rater l’arrêt qui m’attendait au loin.
Dans ma verte campagne, ce sont les chants des oiseaux qui bercent mon réveil et égayent ma journée. Entends-tu encore les oiseaux dans tous les bruits de ton quotidien ? Dans mon vaste jardin, je savoure les minutes qui s’égrènent lentement. Et toi, sens-tu le parfum des fleurs au milieu de toutes ces odeurs qui me tournaient sur le cœur lors de cette escapade ? Tes grands parcs ont-ils été créés pour permettre à tes habitants de prendre un bain de nature ?
Ma toute dernière visite date du 27 décembre 2012. Betsy, une cousine de mon père chère à mon cœur, était à l’hôpital Saint-Pierre non loin de la Porte de Hall, dans le quartier des Marolles. En voiture, la visite était toute autre. Les tunnels qui n’en finissaient pas, la circulation abondante, les coups de klaxon, les feux… Tout semblait aller si vite !
Assise derrière mon fils qui conduisait le véhicule en se faufilant dans une circulation, je n’étais pas trop rassurée. Le paysage défilait. En regardant les boutiques, leurs enseignes et les gens qui marchaient dans les rues, j’avais l’impression de visiter le monde, de changer de pays à chaque nouveau quartier. Grâce à certaines tenues vestimentaires, je devinais les origines des personnes que j’observais par la fenêtre.
Au fond de mon cul-de-sac, je vois chaque matin le même voisinage. Un petit signe de la main, un sourire au passage, quelques mots échangés… On vit chacun chez soi. Où est passé le temps où les voisins partageaient la vie de leur quartier ? Ça me manque parfois.
Chez toi, la population est dense et diversifiée. Dis-moi, comment font tous ces gens pour arriver à vivre ensemble avec leurs différences ? Habitant loin de chez eux, se regroupent-ils ensemble pour conserver la culture, les us et les coutumes de leur pays natal ?
Non loin de l’hôpital, se trouvaient des restaurants de toutes les sortes. Nous sommes entrés dans un italien et nous y avons dégusté une pizza délicieuse bercés par la musique typique de ce pays. Lors de ce jour de dépaysement, tu m’offrais un petit air d’Italie.
Le repas terminé, je suis allée voir Betsy dans sa chambre d’hôpital. Les jeunes qui m’accompagnaient, sont allés prendre un bain de foule. Pas besoin de parcourir le monde pour le découvrir, il suffisait de te visiter. On trouvait de tout chez toi. Sans voyager, on pouvait s’imprégner d’une vaste diversité culturelle et goûter à des mets savoureux ayant franchi les frontières. Ils en sont revenus enchantés.
À quelques pas du restaurant, une drôle de surprise m’attendait. Mon nom de famille était écrit en grandes lettres sur l’enseigne d’un funérarium proche de l’hôpital. Était-ce là signe de bon ou de mauvais présage ?
Bruxelles, ma belle, je te connais à peine. En janvier, ma Betsy m’a quittée emportant ma raison de me rendre chez toi.
Avant de t’abandonner, j’ai une confidence à te faire. Lors de ma dernière visite, tu m’as ouvert les yeux. Je ne suis qu’une étrangère vivant dans un petit coin de paradis de mon pays natal. Si je devais aller un jour vivre à Bruxelles, je pense que j’aurais bien du mal à m’adapter à ton mode de vie si différent du mien.
