De mon enfance me revient une image précise : je suis assise par terre près de Maman dans la petite pièce où elle avait installé sa machine à coudre et son matériel de couture.
J’aimais jouer avec la boite de boutons qui révélait tant de trésors fascinants.
Mes boutons préférés étaient les dorés, les transparents et les nacrés roses.
Je préférais ceux en forme de petites boules plutôt que les trop communs plats et ronds ou les épais carrés sans charme.
Pendant des heures, je les triais inlassablement par couleur de même que je rangeais les fusettes de soie par dégradés de tons.
J’associe aussi cette salle de couture à la fébrilité qui me gagnait quand Maman décidait de me coudre une nouvelle petite robe.
Quelle chance de constater que j’ai grandi quand jupes et robes sont devenues trop courtes ou trop étroites.
Maman prenait alors le bus 18 à Bressoux et se rendait au centre de Liège chez Goffin-Bovy d’où elle ramenait un morceau de tissu tout plat.
En quelques jours, il se métamorphosait en fronces ou plissés, en manches bouffantes ou col Claudine, il s’ornait de dentelles, de smocks ou de biais colorés.
C’était chaque fois une œuvre d’art qui m’éblouissait et que j’étais si fière de porter.
Mais parfois, elle récupérait un de ses vêtements personnels pour m’en tailler un autre à mes dimensions. J’ai détesté ce manteau aux ramages verts et blancs, si long qu’il me semble l’avoir porté plusieurs hivers. Avec ce manteau, j’avais chaque année la déception de ne pas avoir grandi suffisamment pour en avoir un nouveau.
J’ai aussi eu en horreur les pulls qui piquent, ceux qui ont été tricotés, puis détricotés d’être devenus trop petits pour mon grand frère avant d’être à nouveau tricotés pour moi.
La première opération que la laine détricotée devait subir était un défrisage à la vapeur d’eau bouillante.
Attention de ne pas se brûler lorsqu’on passait les écheveaux au-dessus du bec de la bouilloire en ébullition.
Ensuite, que de longues séances interminables à aider Maman à refaire des boules ovales, en forme d’œuf, avec une laine qui était supposée avoir retrouvé tout son gonflant.
J’attrapais des crampes dans les avant-bras car ils devaient rester à l’horizontal, bien parallèles et écartés à la bonne distance, les mains un peu relevées pour maintenir l’écheveau en place.
Pendant que Maman bobinait ses pelotes, je devais faire un moulinet de la main droite pour laisser passer le fil, puis un moulinet de la main gauche.
Gauche droite, gauche droite,… tôt ou tard je finissais par me tromper de main et par laisser s’échapper tout l’écheveau d’un coup. Maman en avait alors pour des heures à démêler les nœuds qui s’accumulaient au fur et à mesure qu’elle reconstituait sa pelote.
Maillots de bain qui grattent la peau, shorts qui irritent l’entre-jambe et petites blouses qui picotent sous les bras étaient le résultat peu plaisant de cette implacable chasse au gaspillage.
anne-marie f. Répondre
Merci lena, pour cett belle histoire de boutons. Aujourd’hui encore je suis fascinée par ces petits ronds ou carrés à deux ou quatre trous de toutes les couleurs et de toutes les substances qui remplissent encore une grosse boite dans mon armoire rouge et avec lesquels mes petits enfants ont encore joué ; jamais je ne jette un bouton . Il y a juste les boutons de chemise que je déteste : je tes trouve laids, désagréables au toucher et horribles à coudre... anne-marie F.