La première année d’école gardienne se termine. Noëlle me dit que pour le spectacle de fin d’année, Madame Maria veut qu’on aie une robe rose.
Comment trouver de l’étoffe rose pas trop chère ? Notre budget est serré.
Et tout à coup, je me souviens du tissu de vichy rose de son berceau. Mais je ne couds pas bien : j’ai appris seule le jour ou j’ai eu envie d’une robe de future maman en vichy parme : j’attendais mon premier bébé et je trouvais les robes du commerce absolument moches.
Du commerce, c’est beaucoup dire : à Liège, seul le magasin « PREMAMAN » vendait des « robes de grossesse ». Dans les grandes surfaces et les magasins de mode, on se souciait bien peu de l’élégance des futures mères…
J’avais donc acheté un patron devant lequel je me suis posé plein de questions puis je me suis lancée : j’ai attaché, marqué, coupé, faufilé mais c’est Paul qui a du m’expliquer comment faire chevaucher les nombreuses coutures de l’empiècement et des emmanchures devant lesquelles j’étais complètement embrouillée. Il m’a dit : "Tu dois voir ça comme un plan".
J’attendais Bernard de deux mois quand j’ai étrenné la robe et je me souviens encore de ma fierté quand une dame, à l’épicerie du coin, s’est exclamée
"Quelle belle petite future maman".
Bref, je raconte tout ça à ma voisine Denise qui est couturière ; elle propose de m’aider et j’accepte. Elle dessine le patron, coupe la robe avec moi et me fait marquer, monter, faufiler et coudre sous son égide.
J’ai une machine Singer à pédale mécanique : on met les deux pieds sur la pédale de fer forgé noire et en avant, en arrière, en avant, en arrière, on fait tourner la roue ; elle entraîne l’aiguille à la vitesse voulue sur l’étoffe qu’on dirige à la main.
On coud le corsage, puis la jupe , on assemble les deux à la taille en fronçant.
Puis le petit col Claudine, la ceinture large à attacher avec un gros nœud derrière. Et enfin les manches ballon.
Et là, je découvre que la couture est aussi une affaire de toucher.
Denise me fait sentir des doigts, de la main, les fronces , la façon de les serrer, de les déserrer sur le fil, l’endroit où elles doivent s’attacher à l’emmanchure.
Il faut tâter, ajuster, découvrir la bonne tenue de la petite manche.
Et pour le repassage, une boule de fer noire et ovale au bout d’un manche est prévue. On la met à chauffer et on la glisse à l’intérieur pour bien lisser l’étoffe.
La robe est magnifique, d’un fini parfait, endroit comme envers. Denise est une perfectionniste. Noëlle est ravie : elle a ce qu’elle voulait.
Le jour de la fête, j’apprendrai que Madame Maria n’a jamais exigé qu’on porte une robe rose ce jour là…
Mais je continuerai à coudre avec des patrons Burda.
Et mon goût pour les tissus ne m’a jamais quittée : j’ai collectionné les coupes achetées à bas prix sur les marchés et dans les magasins de tissus qui me plaisaient et dont « un jour » je ferais quelque chose.
Dany Répondre
Ben ma cousine Nono, c’est une petite chipie. Merveilleuse histoire et comme c’est bien raconter, cela me donne des frissons d’envie de retourner en enfance pour entendre cette voix claire et adorable qui était et est toujours celle de maptitreine.
A défaut de t’entendre, je te lirais encore avec plaisir.
Dany