Michèle raconte comment sa maman, Colette, et sa sœur jumelle, Gabrielle, ont entamé des études de puériculture en 1939.

Désireuses de devenir puéricultrices, les jumelles sont alors inscrites à l’Ecole Saint Benoît à Auderghem qui, outre la religion et les cours généraux, dispense également des cours pratiques. Au début, à la « crèche blanche », elles s’occupent de bébés de 6 mois à 1 an. D’emblée, elles sont fort déçues : les soins prodigués aux nourrissons consistent en un travail à la chaîne qui laisse fort peu de place aux manifestations de tendresse.

Mais bientôt, elles passent à la « crèche rose », bien séparée de la première, où sont accueillis les enfants des « filles-mères », les mères célibataires. Et là, c’est carrément l’horreur ! Parce qu’illégitimes, ces enfants sont traités avec une froideur et une rudesse proche de la maltraitance.

Un exemple des sévices auxquels ils sont soumis : à un âge où tous ne sont pas encore capables de contrôler leur sphincters, les petiots sont placés à heures fixes sur le pot qu’ils ne peuvent quitter que quand ils y ont enfin déposé leur petit caca. Pour certains, ces séances sont particulièrement pénibles et interminables. Un bébé pousse si fort qu’un morceau de son intestin finit invariablement par sortir de son anus où il faut le réintroduire à la main. Les jumelles sont épouvantées par tant de mauvais traitements auxquels elles n’ont pas le pouvoir de s’opposer.

De plus, elles sont systématiquement punies si, lors des visites, elles osent adresser la parole aux mamans ou simplement répondre à leurs questions ! Une jeune fille qui se respecte ne fraye pas avec ces dépravées ! Ceci reflète bien la mentalité d’une époque qui ne pardonne toujours pas à une femme de donner naissance à un enfant sans être mariée. La jeune femme qui déroge à cette norme est considérée comme une déviante, pire, une pécheresse, et porte seule le fardeau de l’intolérance de la société à l’égard de la sexualité hors mariage.

Dégoûtées de la puériculture, les deux sœurs finiront par s’inscrire à l’Ecole de vente du Bon Marché, le plus ancien des quatre grands magasins bruxellois de l’époque.

5 commentaires Répondre

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    Ce récit montre à quel point l’on peut descendre dans l’horrible. Si ces bourreaux étaient des "bonnes sœurs" comme il est suggéré, plutôt que d’appliquer les paroles attribuées à Jésus par les évangélistes, « aime ton prochain comme toi-même », ces monstres se référaient au verset V,9 du Deutéronome : "Je suis un Dieu jaloux qui punis l’iniquité des pères dans les enfants jusqu’à la troisième, quatrième génération". En l’occurrence les enfants de mères "coupables" d’avoir aimé un homme qui s’est peut-être défilé. Pauvres enfants. Des septuagénaires osent maintenant raconter quel fut leur calvaire d’enfant « de Boche »

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    merci pour ce témoignage...et encore aujourdh’ui ce n’est
    pas tout à fait fini n’est ce pas ?
    grand-mère ,instit. retraitée

  • Agnès Roland Répondre

    Aaaaah ! La belle charité chrétienne !...
    Agnès Roland

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    Voici un témoignage terrifiant d’inhumanité de ce qui se passait dans certaines crèches ou pouponnières , en Belgique , juste avant la Seconde Guerre Mondiale..... on ne sait s’il s’agissait de religieuses ou non mais cela reflète encore que l’âme humaine ne s’encombre pas toujours de scrupules et que l’incompréhension et la cruauté opèrent même dans des lieux qui devraient abriter la douceur, la tendresse et l’accueil.......

  • Jacqueline Leyder Répondre

    Bonjour Michèle !

    Merci d’évoquer pour nous un des nombreux aspects effroyables du "bon vieux temps" sur lequel nous geignons trop souvent - quand la nature était intacte, l’air pur, l’alimentation saine, les enfants bien dressés, les ados policés, les "gentils" récompensés et les "méchants" punis jusque dans leur descendance, les nouvelles technologies inexistantes et la "Morale" omniprésente...

    Jacqueline L.

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