Ce texte fait partie du feuilleton "Ma soeur, cette héroïne", écrit par José T. Lire l’ensemble

J’ai retrouvé dans les archives gardées par mon frère, cette lettre, héritage de mon défunt, émanant de Mme Marion-Lavis de Montgauthier dont l’époux et les deux fils avaient été arrêtés. Cette lettre illustre parfaitement comment les choses se passaient et combien le risque de nous faire pincer était grand.
J’ai retrouvé dans les archives gardées par mon frère, cette lettre, héritage de mon défunt, émanant de Mme Marion-Lavis de Montgauthier dont l’époux et les deux fils avaient été arrêtés. Cette lettre illustre parfaitement comment les choses se passaient et combien le risque de nous faire pincer était grand.
"…A la suite d’alertes et de combats dans les environs de Spontin, le groupe André Poncelet de Dinant qui comptait, à ce moment, une quinzaine d’hommes et une femme, s’était réfugié dans une villa à 2kms de notre ferme. Chaque soir, ils venaient se restaurer chez nous.
Le lundi 20 septembre 1943, à la suite d’une dénonciation, 500 allemands cernèrent la villa et la ferme. Tous les occupants de la villa furent tués, à part deux d’entre eux qui furent faits prisonniers dont l’un fut fusillé par la suite.
Mon mari et mes deux fils furent arrêtés, passèrent quelques jours à la prison de Dinant et furent ensuite transférés à la prison de Namur.
Je ne pouvais pas les voir mais je pouvais déposer et retirer leur linge. Un jour, j’ai trouvé, enroulé dans le col de la chemise de mon fils ainée, une feuille à cigarette sur laquelle il me décrivait une maison de la rue Delimoy, à Namur, d’où je pourrais converser avec lui. Mais comment la trouver ? Lui, la voyait sur l’arrière, de l’intérieur de la prison, tandis que moi je ne voyais que les façades dans la rue et c’était tout différent.
J’avais sonné à plusieurs portes en vain, lorsqu’un jour, alors que je rentrais chez moi par le train, désespérée, une bribe de conversation entre deux femmes dans le même compartiment que moi, me mit en émois. L’une disait : "téléphonez au 47-Haversin. Jugez de ma stupéfaction, c’était mon n° de téléphone. J’interpelle aussitôt la dame qui me dit : " Auriez-vous quelqu’un en prison ? ". Sur mon affirmation, elle me dit : "Rendez-vous au n° 43, de la rue Delimoy, à Namur."
Je m’y rendis le lendemain et j’eus la satisfaction d’être reçue gentiment par la famille Trussart. Je fus admise à me rendre à l’étage. Mais comment attirer l’attention de mon cher prisonnier ? Monsieur Trussart me dit :" Penchez –vous par la fenêtre comme si vous regardiez dans notre cour et appelez-le par son nom.". Deux secondes plus tard, j’eus l’indicible bonheur de voir une main qui s’agitait à travers les barreaux et d’entendre un joyeux "bonjour maman".
Il faut avoir subi mes jours et mes nuits d’angoisse pour comprendre la triste joie de cet instant. Nous pûmes converser ensemble. Il n’avait pas encore été interrogé. Nous nous sommes entretenus de choses que j’ignorais et qui devaient disparaître ainsi que la façon de répondre aux agents de la Gestapo.
Grâce à la famille Trussart, mon mari et mes deux fils ont été libérés après avoir passé trois mois à la prison de Namur.
J’ai déjà bien pensé à cela depuis qu’on connaît toutes les horreurs commises par cette r... maudite, à quel danger cette famille s’exposait. Je me souviens d’un jour où une des gamines vint crier :" Il y a des allemands dans la rue qui semblent chercher quelque chose". Dans mon affolement, je me suis jetée sous les couvertures dans le lit d’une des filles. Heureusement c’était une fausse alerte !

Mont-Gauthier, le 30.9.47

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