Ce texte est issu de notre recueil d’histoires vécues imprimé sous forme de livre « Et la lessive - Instantanés sur l’évolution de la femme au 20e siècle »
Combien de fois ais-je entendu cet appel de mon père au moment de s’habiller après que maman ait préparé dans la chambre le linge, la chemise et la cravate du jour. Impossible pour lui de trouver dans la lingère le mouchoir souhaité. C’est sa femme qui assume cette responsabilité. Elle semble exécuter ces tâches avec une soumission naturelle et jamais ne manifeste le moindre signe de rébellion.
Adolescente, je suis agacée par cette attitude, je ne peux l’admettre. Qui a décrété que c’est elle qui doit cirer les chaussures de papa, préparer son linge, beurrer ses tartines ? Ils s’aiment ; comment accepte-t-il qu’elle soit ainsi à sa disposition ?
– Maman, pourquoi fais-tu tout ça pour papa ? Pourquoi ne peut-il pas lui même s’occuper de ces détails ?
La réponse à mes questions est inlassablement la même.
– J’ai toujours fait comme ça, c’est normal ! Ton père a été habitué ainsi ; il est incapable de se débrouiller seul.
L’éducation des garçons au début du vingtième siècle, qui n’ont eu d’autre exemple à suivre que ce schéma machiste, a laissé des traces sur la génération suivante.
Je me suis mariée en 1960 ; nous avons eu garçons et fille. J’étais décidée : aucune différence ne sera tolérée entre frères et sœur. Mon mari ne partage pas trop ce point de vue et il me faut beaucoup d’obstination pour faire valoir mes idées d’éducation. D’autant plus que l’aînée est fille et que tout naturellement son père la veut avant tout « une femme bien, bonne mère, bonne épouse » selon l’expression consacrée.
– Apprends-lui à coudre, à faire ses vêtements !
Mais ma fille a d’autres centres d’intérêt et je me dis que cette maudite machine à coudre ne sera que prétexte pour lui demander un effort personnel au moment de renouveler sa garde-robe.
Aujourd’hui j’ai deux fils qui partagent tout dans le ménage : cuisine, entretien, enfants. Mes belles-filles en sont très heureuses ; elles parviennent à coudre les boutons mais pas mieux que mes garçons. Chez ma fille, on partage totalement les corvées et l’intendance. C’est ce que je souhaitais pour elle.
Mais comment expliquer que je me surprends parfois à penser qu’elle pourrait tout de même, de temps en temps, repasser les chemises de son compagnon ?

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