Ce texte est publié dans notre 2e recueil d’histoires vécues : "Et la lessive ..."
Cela se passe en 1950.
C’est à l’âge de18 ans que je découvre pour la première fois la piscine. Celle-ci se situe en plein air à quelques kilomètres de notre village. On vient de l’inaugurer : c’est un grand événement pour l’époque. Je me réjouis déjà à l’idée de pouvoir y aller avec mes copines pour y apprendre à nager. A la campagne, les cours de natation ne font pas partie du programme scolaire comme en ville.
Il me faut d’abord acquérir un maillot, ce qui n’est pas une mince affaire ! Opposée à ce genre de tenue vestimentaire, ma mère n’est certainement pas bonne conseillère en la matière. L’avis d’une amie ? Ce n’est pas nécessaire : je préfère entreprendre cette démarche sans témoin.
Habitant à une petite vingtaine de kilomètres de la ville la plus proche, il me faut trouver un bon prétexte pour m’y rendre parce qu’il n’y a que deux bus par jour (un tôt le matin et l’autre dans l’après-midi). De plus, j’ai des obligations auxquelles je ne peux échapper : le matin, je dois me rendre utile aussi bien dans la boulangerie familiale que dans diverses tâches ménagères. L’après-midi, je peux espérer plus de liberté à condition que le motif invoqué soit valable aux yeux de ma mère !
Le jour de l’escapade, tout conflit et autres discussions houleuses sont à proscrire et j’accepte, sans vergogne, les recommandations relatives à la bonne conduite. Munie de mes maigres économies, je pars alors en aventurière …sans trop de franchise ! Comme à cette époque, les grandes surfaces n’existent pas encore dans les grandes villes, je dois me rendre dans une boutique « spécialisée en lingerie » que je connais fort heureusement. Mon choix s’arrête à un maillot d’une pièce couleur rose soutenu qui, même un peu voyant, me convient parfaitement. Satisfaite, je l’achète. Il me faudra cependant m’habituer à cette tenue minimaliste !
Arrive le jour où j’enfourche ma bicyclette en compagnie de mes amies pour vivre nos premiers exploits de natation…dans le petit bassin. Je m’y rends deux ou trois fois avant que maman apprenne d’une cliente ‘bien intentionnée’ qu’on m’a aperçue à la piscine avec d’autres jeunes du village.
Ma mère, plus que scandalisée, appelle mon père en s’écriant : « On a vu ta fille à la piscine toute nue, tu t’imagines ! Qu’en penses-tu ? ».
Mon père ne semble apparemment pas surpris : ma mère exagère sûrement. Il lui rétorque : « Elle était quand même en maillot, non ? » « C’est pareil ! répond ma mère, c’est nu ».
Pour sévir, elle monte chercher le maillot dans ma chambre, descend, ouvre le clapet de la cuisinière (au charbon) et l’y engouffre brusquement. Je me précipite spontanément pour l’en retirer. Heureusement, le feu brûle vraiment au grand ralenti et il n’y a pas de dégâts. Suite à cela, je mets mon maillot en sécurité chez une amie.
J’ai encore fréquenté la piscine à plusieurs reprises. Vu les difficultés pour m’y rendre (contraintes familiales et météo), je n’ai jamais appris à nager.
Du maillot, je fis grand usage plus tard, après avoir quitté la maison.
Quel fut son destin ? Je l’ignore : je l’ai prêté à une collègue qui ne me l’a jamais rendu.
Quel souvenir j’en garde ? Quelques jolies photos… en noir et blanc !
