Extrait de "Nous écrivons notre vie" 2023-25

Tout au long de ma vie, en tant qu’être féminin, j’ai toujours vécu « en résistance » par rapport au groupe auquel j’appartenais. Pas en opposition, mais en résistance !

Le premier groupe étant la famille.

Très petite déjà j’avais l’esprit d’observation critique. C’était quasi instinctif. Dès mes 5,6 ans, j’étais offusquée par la différence que vivaient certains enfants. Une différence qui amenait une souffrance. Cette souffrance, je la considérais comme une injustice.

D’abord, la différence d’attention et de valorisation, selon le sexe et le rang, m’était insupportable. J’en souffrais personnellement. Je me situais entre deux frères avec qui je m’entendais super bien ! La différence physique du sexe ne me préoccupait pas trop. Ce qui me préoccupait surtout c’était la différence de considération par rapport au sexe physiologique. Tant par rapport aux garçons que par rapport aux filles. Je suivais mes deux frères partout. Surtout dans les bois. J’aimais courir, monter aux arbres et même me battre. Mon frère aîné aimait plutôt les jeux calmes et les poupées et je voyais que mon père se moquait régulièrement et exprimait du mépris vis-à-vis de lui.

En ce qui me concerne, le fait que j’étais vive, que je n’avais peur de rien, que j’aimais plutôt les jeux violents… ne me portait pas trop préjudice. On disait gentiment que j’étais un garçon manqué.

Mais… mais… le jour où ma poitrine a commencé à pointer, ouille, ouille… le milieu dans lequel j’évoluais a commencé à me regarder de travers, à tel point que j’enroulais de la bande Velpeau pour diminuer le volume de mes seins et cacher à la société à la con que j’entrais dans une catégorie de personnes dont plein de choses allaient être interdites du fait de cette apparence.

Quand mes règles sont apparues, c’était pire… j’ai dû braver, parfois avec violence, le groupe social pour continuer à accompagner mes frères dans la découverte de la vie comme j’aimais. Malgré ce rejet de la société, je me suis toujours sentie forte et heureusement soutenue par mes frères et de façon souterraine par ma mère.

Adolescente, j’étais très attirée par les insectes et dans le grenier, j’avais construit un petit musée. Je récoltais également dans la forêt et ailleurs des crânes d’animaux que je nettoyais avec précaution pour les exposer dans mon musée. Notre mère ne m’a jamais fait de remarque. J’avais même l’impression qu’elle acceptait mon attitude même si elle était très silencieuse avec moi. Régulièrement mon père disait à maman : "ta fille est complètement maboule, on devrait l’enfermer en psychiatrie !"

À l’école que je fréquentais, je me battais régulièrement pour défendre les enfants faibles, harcelés ou attaqués par les autres. Il y avait une famille de 10 enfants connue comme étant pauvre, sans le sou pour habiller correctement ses enfants. J’avais 8,9 ans et, en cachette, je prenais les vêtements de ma petite sœur qui trainaient dans la salle de bain et j’allais les déposer devant la maison de cette famille. Jusqu’au jour où, chez Delhaize, maman en faisant ses courses a remarqué que plusieurs enfants de cette famille portaient des vêtements de ses enfants à elle !

Le trajet de ma vie a été fractionné en périodes bien précises. Et à chaque fois je vivais un chemin en résistance par rapport au milieu dans lequel j’évoluais.

J’ai voulu vivre pleinement ma vie amoureuse et très consciemment mon désir d’enfant. C’est pourquoi je n’ai pas hésité à plonger dans la révolution de « mai 68 » en essayant de vivre concrètement les valeurs prônées par ce mouvement de remise en question et de vie plus authentique tant sur le plan du couple, de la famille, de l’éducation affective et scolaire de mon enfant.

Dans mon boulot d’assistante sociale, j’ai choisi très vite d’aider les gens à mieux se sentir dans leur chemin de vie, même si leur marginalité, leur sexualité, leurs divergences ne correspondaient pas à ce que la société voulait pour leur bonheur.

En fin de carrière quand j’ai été directrice d’un foyer d’enfants, alors que l’environnement (les écoles, les institutions, le SAJ, le juge des enfants…) avait tendance à tenir les parents loin de leurs enfants et les taxait de mauvais parents, moi, j’avais plutôt tendance à accorder une place de valeur aux parents et à les considérer comme partenaires importants dans l’attention à leurs enfants, considérant le placement de leurs enfants comme un moment où ils allaient pouvoir s’occuper d’eux-mêmes et réfléchir sur la meilleure façon de continuer leur vie.

Au niveau de l’éducation de mon fils en tant que maman « solo », mais attachant une importance vitale à la présence du papa, j’ai l’impression que j’ai toujours dû me battre contre cette société pour rester authentique et proche de mes valeurs. Être en résistance face à cette société hypocrite a souvent été difficile pour moi tant dans mon désir d’éduquer mon enfant comme je le sentais que dans ma manière de vivre la relation à l’homme dans mon besoin individuel d’amour. Je me suis souvent sentie rejetée, méprisée et peu soutenue.

Ce n’est que maintenant « en fin de vie » que je trouve enfin la force de vivre la résistance à travers une certaine liberté.

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