J’étais à Bruxelles depuis deux ans, peut-être un peu plus, m’y sentais toujours très bien et pensais prendre ma retraite et finir mes jours dans cette ville. Nous étions donc plus ou moins en 95, ma fille vivait en Belgique avec son compagnon, mon fils vivait en France à Thionville. Je connaissais l’attitude de mes enfants par rapport à la famille en général, la nôtre en particulier et me disais que, le jour venu, je me ferais incinérer à Bruxelles. Je louais à l’époque un appartement près du square Vergote. L’adresse dépendait de Schaerbeek et je me rendis donc à la maison communale de cette commune pour leur signifier mes intentions. Je remplis le formulaire ad hoc, de couleur rose, et peu après en parlai à mes enfants.

Le temps passa. En 2000 je m’installai chez moi à Uccle et je ne sais plus pour quelle personne, j’eus l’occasion d’assister à un service funèbre au funérarium d’Uccle. Je trouvai la pelouse de dispersion pleine de sérénité, bien située, l’endroit me plut et je me promis d’y revenir pour connaître les formalités à accomplir pour ce qu’il est convenu d’appeler "les dernières volontés".

Je travaillais et choisis un jour de congé pour explorer les ressources du funérarium rue du Silence. L’adresse me faisait sourire. Il est souvent question du surréalisme belge mais là c’était de l’humour de carabin et mes héritiers méritaient bien une bouffée d’oxygène le jour venu. La rue du repos n’est pas mal nommée non plus, près du cimetière de …… mais la rue du Silence, c’est une trouvaille qui vaut son pesant de poussière.
Je me garai près de l’entrée du funérarium, celui-ci jouxte le cimetière de st Gilles. Nous sommes à Uccle mais au fil du temps j’ai appris que les cimetières n’étaient pas toujours dans les communes dont ils occupaient un morceau de terrain. Questions de cadastre. J’aime bien st Gilles également, sa maison communale est splendide.

L’entrée du funérarium était fermée par de hautes grilles, ouvertes en journée. Des panneaux indiquaient les horaires d’ouverture mais il était environ 17h30 et je les vis sans les lire. Les bureaux situés hors de l’enceinte proprement dite étaient fermés, je me dirigeai donc vers les bâtiments à l’intérieur des grilles afin de trouver un responsable.
Je fis le tour du bâtiment, personne, et, revenant vers l’entrée, je vis de loin quelqu’un qui rapprochait les grilles, semblait les fermer et partait. Je le voyais, donc …. il me voyait aussi ! Erreur !!! ou bien était-ce un petit marrant qui voulait m’impressionner, je pressai le pas, arrivai aux grilles et constatai de visu qu’elles étaient bien fermées.

Ouh ouh, il y a quelqu’un ? j’ai peu de voix, elle ne porte pas, aucune réponse.

Pas de panique, le haut mur du cimetière à droite… pas de porte ni de brèche de ce côté-là, mais à gauche tout un champ, fraîchement labouré, ceinturé des jardinets des maisons de la rue du Silence.

J’étais venue, comme aurait dit ma fille "avec mes vêtements de secrétaire", càd des chaussures de ville, petits talons mais pas vraiment ce que l’on met pour marcher dans un champ… fraîchement labouré. J’entrepris de longer les jardins, marchant en danseuse entre deux mottes, dans l’espoir de trouver quelqu’un. Premier tour…. pas un chat ni le maître d’un chat ! je retournai à la grille… ; toujours personne. Je regardai le mur du cimetière, toujours trop haut !

Je vous rappellerai qu’en 2000, excepté les fans d’informatique, bureautique, et téléphonie aigüe, le portable n’était pas l’accessoire que chaque femme avait avec son rouge à lèvres. Déjà que je n’avais pas de rouge à lèvres…. le temps était encore clair mais sans m’inquiéter de passer la nuit près du cimetière, j’aspirais quand même à quitter l’endroit et rentrer chez moi.

Donc, je décidai de refaire un tour de piste cherchant des yeux quelqu’un ou un passage vers la rue entre deux maisons. Tout à coup, miracle, un couple sortit de l’arrière d’une des maisons et se dirigea dans son jardin ; aussitôt je me précipitai pour leur dder s’ils ne pouvaient pas m’aider à sortir du champ.
 "oh vous n’êtes pas la première à qui cela arrive me dit l’homme" - Cela consola ma bêtise pour ne pas avoir regardé les heures d’ouverture et de fermeture de l’endroit. Il me montra la clôture grillagée près de chez lui "regardez, ici vous pouvez passer, je vais vous aider . En effet, le brave homme vint tenir le grillage pendant que je me faufilais dessous en essayant de ne pas accrocher mes vêtements.

Ouf ! j’étais mieux de l’autre côté parce que… quand même…. ils sont tranquilles, silencieux mais j’ai le temps pour y rester.

C’est ainsi que se termina ma première visite au funérarium dans le but d’en faire mon dernier logis.

Aujourd’hui en 2013, j’ai choisi, avec document à l’appui, de faire disperser mes cendres sur la pelouse du cimetière de st Gilles.
Il n’y a que deux ans que j’ai fait la démarche de régler les frais que cela occasionnerait. Depuis je suis allée voir les pelouses du cimetière d’Uccle. Je me disais qu’à st Gilles je ne connaissais personne, peu de monde à Uccle mais quelques habitants auprès de qui je ne déciderais pas de passer l’éternité si j’avais le choix. La poussière, c’est volatile, après tout, là ou ailleurs c’est un peu idiot cette idée que la vallée est plus belle sur un versant ou sur l’autre, je voyagerai, c’est évident, alors… je ne vais rien changer et ferai ainsi de nouvelles connaissances. L’au-delà dure longtemps……..

4 commentaires Répondre

  • Jeannine K Répondre

    je peux vous parler de la place du Repos qui fait face à l’ancien cimetière d’Anderlecht

    Une grille monumentale, des allées garnies d’arbres centenaires

    depuis de nombreuses années ce petit cimetière a été transformé en parc forestier.

    chaque fois que je le traverse j’aboutis rue du Souvenir

    qui se rapporte au lieu d’antan.

    mais les jeunes, aujourd’hui, s’y promènent, y jouent, rient sans savoir.
    c’est aussi bien

    l’éternité c’est bien au delà

  • Hélène Havaux Répondre

    Chère Colette,

    Avant de vous décider pour le crématorium du cimetière de Saint-Gilles à Uccle, je vous conseille de consacrer une de vos prochaines excursions à aller folâtrer dans la belle campagne de Court-Saint-Etienne pour jeter un coup d’œil au crématorium de cette commune. Vous serez conquise ! En tout cas, c’est là que je veux réunir ma famille lors de ma propre cérémonie d’adieu : Accès facile, en pleine campagne, vaste parking gratuit, toutes les salles sont d’une luminosité apaisante, la vaste cafeteria s’ouvre sur un beau paysage vallonné,le personnel est stylé, la pelouse de dispersion donne vraiment l’envie de retourner à cet endroit à notre mère la terre.Ci-joint un site dont les photos vous montreront que je n’exagère pas.Cela dit, puissions-nous jouir encore de belles années terrestres ! H Havaux

    www.ibw.be/eco-crematorium.htm

  • Danielle Cracco Répondre

    Il m’est arrivé à moi aussi une aventure de cimetière. Il y a quelques années, je visitais le fameux "Père Lachaise" à Paris en compagnie d’une amie que je n’avais plus vue depuis longtemps. Nous avions donc énormément de choses à nous raconter tout en repérant les tombes de personnages célèbres. Nous croisons bien sûr d’autres visiteurs, parmi lesquels une troupe de scouts. Quelque temps plus tard, nous entendons des coups de sifflets et pensons, en toute logique, qu’il s’agit d’une activité des scouts. Mais bientôt nous ne voyons plus personne autour de nous et réalisons que les sifflets devaient signifier l’heure de fermeture du cimetière... Nous prenons nos jambes à notre cou et arrivons, hors d’haleine, devant le gardien goguenard agitant son trousseau de clés, prêt à fermer pour la nuit ! ouf.

  • Jean Nicaise Répondre

    Bonjour Colette. Je nous découvre Ucclois. Un jour, nous serons proches voisins à Saint-Gilles à l’issue d’un ultime déménagement. La pelouse où sont dispersées les cendres du crématorium d’Uccle, et où reposent déjà celles de ma femme, se trouve en effet sur le territoire de Saint-Gilles, à un saut de puce du siège de nos adieux au monde des vivants. Comme vous, sans doute, je ne suis pas pressé, mais j’envisage la chose avec philosophie, sérénité et, pourquoi pas, avec la pointe d’humour présent dans le récit de votre excursion rue du Silence.

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