J’approchais de mes 10 ans, j’avais de beaux longs cheveux blonds comme ceux de maman. Mes cheveux étaient mon refuge, le rideau derrière lequel je me cachais quand je n’allais pas bien. Je n’aimais pas être le centre d’attention dès lors je me sentais en sécurité protégée par mes cheveux dont j’étais par ailleurs très fière. Papa n’aimait pas me voir avec les cheveux dans la figure, en quelque sorte je peux comprendre, et il se fâchait souvent : « tire tes cheveux, mets une pince, coiffe-toi, … »
Un beau jour, nous étions chez ma grand-mère quand Papa m’a demandé de l’accompagner tout au fond du jardin. J’avais un mauvais pressentiment, je résistais mais on ne résiste pas à papa !
Et me voilà au fond du jardin, loin des regards, assise sur une chaise branlante, sentant que quelque chose de terrible allait m’arriver. Papa a sorti de je ne sais où un bol et des ciseaux. Il a mis le bol sur ma tête et a tout coupé !
Sur le sol tombaient mes beaux cheveux blonds. J’avais perdu mon refuge, je me sentais comme toute nue, fragilisée, exposée au regard de tous et j’éclatai en sanglots. Quand maman a vu le carnage elle a fondu en larmes.
Il a fallu m’emmener chez le coiffeur pour essayer de limiter les dégâts mais le coiffeur n’a rien pu faire, si ce n’est me couper ce qui me restait sur la tête ! Il m’a fallu dès le lendemain affronter les railleries de mes camarades de classe. Déjà que j’avais les « doux » surnoms de "sauterelle", et d’"araignée", mon prénom n’existait plus et tout ça chez les bonnes sœurs ! J’étais très grande et très maigre. Mes bras et mes jambes n’en finissaient pas alors vous pouvez aisément imaginer ce que ma boule à zéro a provoqué comme déluges de rires et de moqueries !
Pendant longtemps j’ai refusé de parler à mes camarades de classe. Je m’enfermais dans une solitude de plus en plus insupportable que mes parents ne décelaient même pas. J’attendais que mes cheveux repoussent comme on attend une chimère. Je perdais le peu de confiance que j’avais en moi. Je me sentais salie, souillée, vulnérable, et les « personne ne m’aime » se bousculaient dans ma tête.
C’est ma grand-mère qui m’a aidée à remonter la pente. Sans elle, je ne sais pas ce que je serais devenue. Elle m’écoutait sans rien dire puis me prenait simplement dans ses bras silencieusement, tendrement, et là, enfin, j’étais à nouveau protégée du regard des autres. Il m’a fallu du temps pour m’accepter, des mois peut être, puis mes cheveux ont repoussé. J’ai retrouvé mon refuge mais la blessure, elle, était toujours là et restera encore longtemps.
anne-marie f. Répondre
Bonjour Christiane,
ton histoire m’a beaucoup touchée. Ce sont des souvenirs qui font toujours mal parce qu’ils ont blessé plein de choses en nous (j’en sais quelque chose aussi de ces humiliations "éducatives") Nos parents n’avaient pas du tout la même idée que nous de l’éducation et du respect du aux enfants. Il m’a fallu du temps pour guérir de certains souvenirs d’enfance d et pour pardonner . Mais quelle merveille de réaliser à quel point les enfants d’aujourd’hui peuvent s’exprimer librement (parfois trop !!!) , à quel point les parents se donnent du mal pour qu’ils soient heureux (parfois trop) et à quel point les grands parents peuvent les aider tous , parfois trop mais c’est comme ça que l’histoire fonctionne !
je t’embrasse. anne-marie f.