Ce texte fait partie du feuilleton d’Yvette Lire l’ensemble
De penser à cette promiscuité obligée et parfois mal ressentie de part et d’autre, je me souviens un peu des questions qui nous turlupinaient beaucoup.
A cette époque les enfants restaient longtemps ignorants de la façon dont on fait les bébés.
Chez nous, Maman nous disait que le docteur ou l’accoucheuse Léa Nadin apportait un bébé aux femmes qui avaient été malades ou avaient fait une chute. Comme un cadeau pour accélérer la guérison ? Pour compenser une déveine quelconque ?
Tante Ghislaine était une petite femme et quand elle était enceinte, ça se voyait beaucoup. Elle aurait presque pu rouler comme un gros ballon qu’elle était. Le jour fatidique il était hors de question qu’on reste là ; on aurait entendu les cris et les gémissements. Maman nous envoyait ailleurs chez les cousins Cordonnier. Enfin quand on pouvait rentrer chez nous, on nous annonçait l’arrivée d’un bébé. Tante Ghislaine avait retrouvé sa ligne, elle était contente que Léa Nadin ne l’ait pas oubliée.
Maman et Papa n’ont jamais trouvé les mots pour nous expliquer. A nos questions, Maman nous ressassait la même chose : « Tante Ghislaine avait commandé une petite fille, Léa la lui a apportée »
Entre nous, en récréation surtout, nous en parlions. Les autres aussi, pourtant filles de fermiers étaient aussi ignorantes que moi. Un jour, un garçon nous a dit crûment : « Les parents ils font comme les taureaux et les vaches et les bébés sortent du pet des mamans ! »
Tant de questions, de suppositions qui avaient enfin un début de réponse. Je devais avoir 10-11 ans. Pourtant j’avais vu des vaches vêler, j’avais vu, de loin il est vrai, un étalon monter une jument. Marie-Thérèse nous avait dit qu’elle avait conduit « sa bibique à bouc ».
Papa élevait des lapins et là on était au courant de la façon dont cela se passait. Mais c’est un peu comme si les hommes et les femmes avaient inventé une façon de faire moins animale, un peu angélique.
Après cette longue diversion, je reviens au baraquement qui fut notre logement durant 13 ans environ : notre enfance et notre adolescence. Papa s’était très vite accommodé de la situation.
Pour Maman ce fut plus difficile. Elle aimait nous rappeler que sa maison d’enfance et de jeune-fille était la première à être fleurie de géraniums chaque été. Cela grâce à elle. Elle fut heureuse d’entretenir et d’embellir sont logis de jeune mariée. Elle en était fière. Mais ce foutu baraquement elle ne l’a jamais vraiment investi.
Avec Papa qui était très bricoleur, elle aurait pu lui demander des aménagements, des embellissements. Elle nous disait : « J’ai perdu le goût ». La commune fit le projet d’une nouvelle école située entre les deux villages, au lieu dit : « Le Poteau », un peu à l’écart donc. Elle ne se réjouissait pas d’aller habiter au Poteau. Elle avait toujours vécu au centre, le long de la grand-route et cette nouvelle école lui paraissait loin de tout.
jacques822 Répondre
Chez moi, c’était le tabou absolu. Un jour mon petit frère Michel a demandé : Qu’est-ce que c’est le nombril ? Silence de mort. Finalement , je me suis enhardi à dire : c’est la cicatrice que tu as au milieu du ventre. On n’en a pas su plus.
En ce temps là, vers mes douze,treize ans je tripotais un peu en électricité. Les fiches mâles et les fiches femelles n’avaient pas de secrets pour moi, mais je n’ai jamais imaginé que les humains s’emboîtaient de la même façon pour faire des bébés. Il était évident que c’était les anges qui les apportaient.
Finalement, j’en ai eu la révélation brutale par un camarade de classe. Ça a été du a encaisser.