Ce texte fait partie du feuilleton d’Yvette Lire l’ensemble
Vivre à la campagne impliquait un rapport proche mais surtout utilitaire avec les animaux.
Mes grands-parents étaient agriculteurs-éleveurs, les oncles et cousins qui habitaient au village l’étaient également. Dans ce milieu-là, si on a des poules, c’est pour les œufs, les lapins on les tue et on les mange, le chat fait la chasse aux souris, le chien rassemble les troupeaux.
Ici à Bruxelles c’est très différent. Le lien affectif semble beaucoup plus fort. L’animal est une compagnie. Je n’ai jamais voulu avoir d’animal, pourtant je vis seule. Est-ce à cause de ce vécu en milieu rural ? Je ne sais pas.
Après la guerre, Papa avait construit un poulailler afin d’y élever quelques poules. Mais elles traversaient imprudemment la route et mouraient sous les roues des voitures. Papa se découragea et nous permis d’installer notre boutique dans le poulailler désaffecté et nettoyé.
L’élevage des lapins lui dura très longtemps. Pour l’hiver, ils avaient des clapiers à l’abri du froid. Papa préparait leur pâtée avec des épluchures de pommes de terre que l’on cuisait et auxquelles on ajoutait du son. On écrasait le tout avec la main. Dès que l’herbe se mettait à pousser, on parquait les lapins dans de grandes cages sans fond de 4m2 environ. On déplaçait les cages dès que l’herbe était rasée. Le système n’était pas parfait : les lapins creusaient souvent des passages sous les cages afin d’aller plus loin ronger une herbe plus appétissante. Il fallait alors se précipiter et les récupérer au plus vite. Pour ça, Papa avait besoin de nous. Il nous obligeait aussi d’aller remplir les paniers de chicorées au bord des chemins. C’était une corvée que nous n’aimions pas faire. Quand un lapin était bon pour la casserole, Papa l’attrapait par les deux oreilles et lui assénait un coup de bâton dans la nuque. C’est rapide et radical. Après ça, le lapin était accroché par les deux pattes arrières et à partir de ses pattes, il écorchait la bête en détachant la peau de la chair, à l’aide d’un bon couteau. L’animal écorché, éviscéré et débité en morceaux, mon Père passait le relais à Maman qui devait le cuire. C’était souvent une recette aux pruneaux. Si le lapin était suffisamment gros on avait de la viande pour deux jours.
Un autre élevage qui occupait beaucoup Papa, c’était les abeilles. Il s’était fabriqué une quinzaine de ruches qu’il avait alignées au fond du potager, de l’autre côté de la route. Je l’ai vu à l’œuvre dans toutes les phases du nourrissage et de la récolte du miel. Il s’était peu à peu perfectionné et était même devenu une référence chez les apiculteurs amateurs. Le nourrissage se faisait avant l’hiver. Il fondait du sucre qu’il distribuait à chaque colonie pour remplacer le miel qu’il leur avait prélevé. Pour la récolte il s’était équipé de tout un matériel : un extracteur, sorte d’essoreuse où, grâce à une manivelle on fait tourner les cadres. C’est la force centrifuge qui vide les alvéoles de leur miel. Le miel tamisé était alors entreposé dans les maturateurs, grandes cuves de 1m de profondeur. Là, nous étions chargés de mélanger le miel à l’aide de grandes spatules en bois. On faisait çà deux fois par jour pendant au moins une semaine. De cette façon il s’épaississait sans cristalliser. Enfin, c’était la mise en bocaux. Tout un travail qui occupait chacun de nous. Nous avions des clients fidèles. Comme dans tout élevage, il fallait subir les aléas du climat : un printemps pluvieux et c’était une petite récolte qui ne suffisait pas à satisfaire tout le monde. Une bonne année par contre, le miel en surabondance se conservait bien et se vendait l’année suivante.
Mon frère a poursuivi la tradition, ainsi que son fils qui a encore quelques ruches à Liège. Mais actuellement, les pauvres abeilles souffrent beaucoup. Il y a les pesticides qui les affaiblissent et les rendent vulnérables aux maladies et aux prédateurs. C’est triste de constater la disparition du métier d’apiculteur découragé par la mort de ses colonies.
Mon Père n’était ni pêcheur ni chasseur mais je me rappelle que mon frère, encouragé par un copain de classe, eut l’idée de poser des collets pour attraper des grives.
Ses collets préparés, il les avait accrochés dans un bois à 1,50m du sol environ, suivant tout un trajet. Pour appâter les grives, il accrochait des sorbes. Je l’ai accompagné quelques fois pour voir si les pièges avaient bien fonctionné et décrocher les grives ou les merles qui s’y étaient fait prendre. Malheureusement il n’a pas eu beaucoup de chance. Quelqu’un passait-il avant nous ? L’endroit avait-il été mal choisi ? Mon frère décrocha définitivement ses collets.
Une autre expérience animale : j’avais plus ou moins dix ans. Ma petite sœur avait obtenu de nos parents l’autorisation d’élever un petit chevreau, que nous avions appelé Bambi. Il était mignon à croquer. Son doux pelage blanc, sa belle petite tête avec ses grands yeux curieux, sa petite queue relevée, tout ça nous comblait de plaisir, ma petite sœur et moi. Dans notre pré, il était attaché par une corde à un pieu autour duquel il tournait pour brouter l’herbe mais après la classe, nous nous disputions pour aller le promener afin qu’il puisse manger autre chose. Les jeunes feuilles des arbres, il adorait ça. La nuit on l’enfermait dans une cage avec couvercle. Ce couvercle, on le soulevait à l’aide d’une corde. Cette maudite corde avec une boucle au bout fut cause de la mort prématurée de cet amour de petit biquet. Et cela aussi à cause de moi qui remis le couvercle à l’envers, la corde traînant alors dans la cage. Bambi s’y est étranglé. Ma sœur me l’a reproché longtemps.
Des souvenirs d’animaux j’en ai beaucoup. En voici encore un. Je suis alors adolescente. Des bûcherons du village ont abattu un arbre au sommet duquel se trouvait un nid de petits écureuils. François, l’aîné d’entre eux, a pensé à nous pour les nourrir et les élever. Papa a fabriqué une cage, nous avons acheté un biberon pour poupée, et à tout de rôle nous avons nourri ces quatre bébés écureuils. Ils tétaient de bon cœur et grandissaient à vue d’œil. On leur a donné des fruits secs, des pommes, toutes sortes de choses. Ils étaient tous différents : L’un complètement roux, un autre avec du noir sur les oreilles et la queue, un troisième plus gris, le quatrième, j’ai oublié. Parfois on les sortait de leur cage et ma mère poussaient des cris de frayeur quand ils grimpaient autour des ses jambes. Ils étaient plus ou moins apprivoisés. Trois d’entre eux sont morts d’accident ou de carence alimentaire. Le dernier a profité d’une porte ouverte pour s’enfuir dans les arbres de la drève toute proche. C’est ma sœur aînée qui en eut le plus de chagrin.
Nous avons aussi eu un chien ratier appelé Milou. Plus tard nous avons recueilli un chat mais il ne chassait pas les souris. C’était un chat paresseux.
Quand elle fut en première année secondaire, ma sœur Suzy ramena des souris blanches et entreprit d’en faire l’élevage. Il fallut arrêter l’expérience tant l’odeur envahissait notre logis.
Comment parler des animaux sans évoquer le beau cheval de trait que mon oncle Léon a conservé jusqu’à sa retraite et même après. Oncle Léon était un rêveur, pas très courageux et pas vraiment fait pour son métier d’agriculteur. Quand tous ses voisins et son frère, s’étaient mis au tracteur, il continuait de labourer, tracter ses machines et ses chariots de foin grâce à son fidèle compagnon.
Je termine ce chapitre par les vaches. Le cousin de ma mère, Romain Cordonnier, avait aussi une ferme et habitait très près de chez nous. Après l’école, leurs enfants, dont les plus jeunes avaient plus ou moins notre âge, étaient engagés aux travaux de la ferme. Moi j’adorais descendre chez eux et je suivais Liline, la fille, dans toutes ses occupations. J’assistais à la traite des vaches, au nourrissage des veaux. Je la suivais dans la laiterie où il fallait écrémer le lait, laver l’écrémeuse avec beaucoup de soin. Quand je rentrais chez nous, je sentais l’étable disait Maman.
J.K Répondre
j’ai vécu à Bruxelles
pendant la guerre nous avons élevé des lapins au fond du jardin
ma maman cuisait des épluchures de pommes de terre et du son
mixture qui dégageait une odeur fade assez désagréable
quand il fallait manger un lapin mon père faisait venir un voisin qui se vantait de savoir égorger la bête rapidement
j’entends encore les cris de ce pauvre animal au moment fatidique
je n’avais pas faim ce jour là