Noël, la plus belle fête en dehors de mon anniversaire. Mais, en fait, les deux fêtent la nativité. J’adore les deux. Avec la Saint Nicolas, ce sont les trois fêtes dont, tout petit enfant, j’ai déjà des souvenirs. Mais … j’oublie Pâques et les œufs.

Noël, c’était la guerre. Ma maman avait récupéré la crèche que notre voisin, un menuisier, jetait. Qu’elle était belle. Je ne sais pas où ma maman a acheté les figurines mais le petit Jésus était couché, sur de la paille, dans une boîte d’allumettes.

Plus tard j’ai eu une crèche faite-main par moi mais avec de vrais Santons de Provence. Malgré les beaux Santons, j’ai récupéré celle de mon enfance dès que ma maman est partie en home.

Étant enfant je n’ai pas eu de sapin, juste la si belle crèche. Dès que j’ai pu, j’en ai acheté un. Maintenant c’est le plus beau au monde, pour moi du moins, artificiel mais rempli de boules, étoiles ou anges, toujours blancs ou argentés. Oui, qu’il est beau, mon sapin.

Tout ça pour dire que j’aime la fête de Noël. J’ai toujours passé le Réveillon chez mes parents. Que ce soit avec eux deux, avec René plus tard, René et Christophe, sans Bon-Papa, sans Christophe, sans René, moi et ma maman. Jusqu’à ce qu’elle parte en home.

Me voilà seule le soir du Réveillon. Seule. Dans une belle maison, le feu ouvert qui flambe, le beau sapin, ma crèche récupérée, une coupe de champagne, du foie gras, un gâteau au chocolat, la télé. Je zappe. Partout, c’est la fête, il faut être joyeux, heureux. J’ai envie de pleurer. Je préfère aller dormir.

L’année après, rebelotte. Mon fils m’avait proposé d’aller chez eux, mais j’ai refusé. J’avais peur d’être rabat-joie, de rentrer en voiture la nuit ayant bu ou pas un verre. Donc, à nouveau, catastrophe.

La troisième année j’ai été dormir tôt.

Là, je me suis dit que cela suffisait. Je ne pouvais pas continuer comme ça. Que faire ? Si moi, j’étais seule cette nuit-là, il devait y en avoir d’autres dans ma commune. Seuls et avec l’envie de fêter le Réveillon. Si je les réunissais ? Comment les trouver ?

J’organisais déjà des promenades pour les seniors de ma commune. C’est devenu ma source de renseignements. Et ils m’ont trouvé sept personnes (la taille de ma table imposait cette limite). Je proposai un repas chez moi : faites-moi confiance, ce sera bon.

J’habite à l’extérieur de la commune : sans voiture pas facile d’y arriver ni surtout de rentrer une fois la nuit tombée. Une seule personne parmi mes invités conduisait encore une voiture mais … il habitait le même lotissement. Pour les autres, comment faire ?

Mon chauffeur de taxi habituel ? "Non, désolé, je ne travaille pas la nuit de Noël". Je contacte les sociétés de taxi, mais « non, on ne peut pas s’engager à l’avance, cela dépend du nombre de chauffeurs que nous aurons ce soir-là, il faut téléphoner une demi-heure à l’avance et on verra bien ». Je ne pouvais pas prendre le risque que l’on me dise le soir même "dommage …".

J’écris à ma commune. Je reçois une super gentille lettre de retour. Le début était encourageant, ils me félicitaient pour l’idée mais … "non, nous ne pouvons rien faire …".

Alors Jean, l’homme qui habite mon lotissement, a joué au chauffeur. Deux fois l’aller, deux fois le retour. Mais Jean a 85 ans. Est-ce bien judicieux de lui demander ça ? Mais ai-je eu le choix ? Merci Jean.

La fête : j’étais un peu inquiète. Je ne connaissais pas la moitié des personnes. La plus âgée avait 95 ans, la plus jeune 50. Et cela a été merveilleux. Pour moi et pour mes invités. Voir les sourires, voir le bonheur, voir la joie, … C’était clair, oui cela leur a plu. Ils étaient heureux. Je l’étais aussi. Apéritif devant le sapin, le souper à une belle table décorée … Ils sont partis vers deux heures
trente.

Oui, un très beau Noël.

L’année après, j’ai refait ça. Mais là, j’avais deux chauffeurs. J’ai même accepté que le chien vienne avec. Chauffeur contre chien. Cela a marché. Mais que de neige ! Que de problèmes pour amener mes invités jusque chez moi. Et devoir nettoyer à la pelle la neige vers 3heures du matin. Une aventure.

Sinon, même joie, même bonheur que l’année avant.

Quoique … il y avait Julien. Qui ne disait pas grand chose, qui buvait son verre de champagne, son vin à l’aise. "Cela va, Julien, tu ne veux pas plutôt un peu d’eau ?", "Non, non, c’est trop bon".
Le lendemain, j’ai téléphoné à tout le monde pour savoir s’ils étaient bien rentrés. Julien aussi était enchanté et très heureux d’avoir passé un beau réveillon.

Une dizaine de jours après, j’étais à la montagne , je recevais un coup de fil annonçant la mort de Julien. Est-ce que j’ai pu lui donner quelques moments de bonheur à la fin de sa vie ? Je l’espère. On me le dit.

Et cette année ? J’ai envoyé mes cartes de confirmation à mes invités. Nous serons dix.

Je rentre demain de ma montagne.
Vendredi et samedi, je monterai mon si beau sapin. Il me faut huit heures !
Jeudi prochain, je ferai mes courses.
Vendredi, je mettrai ma table.
Samedi, je cuisinerai.
Dimanche, je ferai la vaisselle.
Ma bûche est commandée.

Tous les jours je prie Sainte Claire pour qu’il ne neige pas cette année. Peut-être une petite couche, juste pour rendre tout beaucoup plus joli mais "Sainte Claire, pas trop, s’il te plait".

Mes amies me disent "mais pourquoi tu fais ça ? Tout cet argent, tout ce travail. Tu es folle." Oui, je suis peut-être folle. Mais je connais la réponse : je fais ça parce que cela me donne du bonheur. Oui, cela me rend heureuse. Et,à choisir entre "pleurer" et "être heureuse", j’ai choisi. Je continuerai aussi longtemps que je peux. Promis.

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