En 1939, c’est l’exode. Mouchka a 16 ans lorsqu’elle quitte Paris en camion avec son papa. Sa maman reste à Paris et héberge les soldats belges et français en déroute. Mouchka et son père s’arrêtent à Limoges où ils sont hébergés dans un garage par des habitants. Le soir du 14 juillet 1940, Ils rentrent à Paris. Elle se souvient qu’on dansait dans les rues de Paris ce jour-là.

Elle n’a pas encore 17 ans lorsqu’elle commence à transporter des armes dans une petite valise. Au départ, elle ignore ce qu’il y a dans la valise. Sa mère n’est pas au courant de ce qu’elle fait tout comme elle-même ignore ce que font ses parents.

Un soir, de retour à la maison, elle est surprise d’entendre sa maman s’exprimer en anglais avec deux hommes. Elle découvre alors que ses parents hébergent dans les chambres « de bonnes » des aviateurs anglais et américains dont l’avion a été descendu. Ces hommes, après avoir atterri en parachute, sont pris en charge par tout un réseau avant de rejoindre la maison familiale. « Et moi, dit-elle, pendant ce temps, je trimballais des mitraillettes. »

Son père ne travaille plus après avoir refusé de collaborer avec les allemands qui voulaient fabriquer du matériel de guerre à la Général Motors. Depuis, il se cache. Il serait entré dans la résistance, mais la jeune fille n’a jamais pu savoir ce qu’il y a fait, ni où il se cachait.

Mouchka vit désormais seule avec sa mère. En octobre 1940, elle s’inscrit à la Sorbonne. Elle fait partie d’un groupe d’étudiants qui réfléchit à propos de ce qui se passe dans Paris : « les bruits de bottes dans la rue et l’arrogance des allemands, le couvre-feu, le manque de nourriture... » Elle comprend vite que le silence est la première chose à respecter quand on se lance dans ce genre de réflexions ou peut-être même dans de possibles activités.

Deux étudiants juifs de ses amis, portant l’étoile jaune, viennent lui demander de les héberger chez sa mère. Elle accepte. A ce moment, sa mère et elle viennent de s’engager dans la résistance auprès du réseau « Comète ». Ce réseau exfiltre vers l’Angleterre des aviateurs dont l’avion a été abattu. Il fera évader 900 personnes au prix de nombreuses arrestations.

C’est le début de l’engagement de la jeune fille qui conduira 54 aviateurs, deux à trois à la fois, jusqu’aux confins de la France. Elle emprunte à chaque fois différents trajets de petits trains peu fréquentés à travers les Pyrénées. C’est le chemin le plus sûr. Elle prend souvent le premier train destiné aux ouvriers, après avoir marché toute la nuit. Les « colis » insistent pour aller plus vite. Leur nombre augmente. Ces aviateurs ont été rhabillés, ont appris quelques mots de français mais aucun d’eux ne peut s’exposer à parler. Ils n’ouvrent pas la bouche. Lors d’un contrôle, elle sort ses papiers calmement, explique qu’ils sont sourds-muets et qu’elle les conduit à tel ou tel village où ils sont attendus dans une structure d’accueil. Tout est minutieusement préparé. Pour le réseau elle est devenue « Diane ». Durant cinq mois, elle transporte à plusieurs reprises « ses enfants » ou « ses colis » sans être suspectée, du moins le croit-elle. Elle parcourt la région de Maubeuge, de Bavay, d’Avesnes, de Lille, allant même jusqu’à Couvin en Belgique. Parfois d’autres guides prennent le relais à la frontière.

Un jour, plusieurs chefs sont arrêtés : Jérôme, Franco, Jean-Jacques. Mouchka doit travailler avec un autre compagnon. Cet homme est un « mouton », un collabo. Il la vend aux allemands. Elle raconte qu’elle devait inaugurer ce jour-là un nouvel itinéraire. Pour ne pas exposer sa maman, elle décide d’aller dormir dans un petit hôtel près de l’Etoile. Le 15 février 1943, son hôtel est encerclé par la Gestapo. Elle est embarquée brutalement dans une voiture et assiste à l’arrestation de sa mère ainsi que de deux aviateurs et de ses amis juifs. Ils seront tous interrogés au siège de la Gestapo, rue des Saussaie. Mouchka est soumise à un interrogatoire musclé avant d’être transférée à la prison de Fresnes et mise au secret. Elle y restera enfermée deux mois dans une cellule étroite où la lumière brille jour et nuit. Mouchka a 20 ans.

Louis Stassart, son papa, a également été arrêté. Mouchka apprendra que c’est en revenant voir si elles sont encore là qu’il est repéré. Il serait mort au Camp de Dora.

Mouchka relate souvent l’histoire de leurs deux grands chiens, un blanc et un noir. Lorsque les allemands emmenèrent sa maman, ils tuèrent d’un coup de révolver le chien blanc sous les yeux de sa mère et de Mouchka. Et lorsque son père vint voir si elles étaient là, c’est le chien noir qui en se précipitant vers lui donna l’alerte et fit en sorte que son père soit pris.

1 commentaire Répondre

  • ANNE-MARIE Répondre

    Comment oublier une aussi grande dame.... une dame au grand coeur !

    Comme chef hôtesse Sabena "une main de fer dans un gant de velours", mais au moins nous avions une formation enviée (à l’époque) par bien d’autres compagnies.

    J’ai hâte de lire son livre....

    Merci pour tout ce que tu nous apporté Mouchka.

    J’espère qu’elle aura retrouvé son mari qu’elle affectionnait tant.

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