Amanda est née le 17 février 1923. Quelques mois après sa naissance, elle a été accueillie par sa grand-mère, Léonie après que la fille de celle-ci, Louise, ait accouché en Suisse. Elle était en effet enceinte et c’est ce qui avait précipité le mariage. En outre, le jeune papa avait onze ans de moins que Louise qui allait elle-même en avoir trente-neuf. A l’époque et dans ce milieu, c’était inacceptable. Le bébé est né après 7 mois de mariage. C’est donc pour échapper à l’opprobre familial que le jeune couple est parti aussi loin.
J’ai appris récemment que les parents d’Amanda ne travaillaient pas en Suisse, comme je le croyais, mais à Philadelphie en Amérique. Dès le départ cette enfant était donc vouée à être abandonnée, ne voyant ses parents que tout à fait occasionnellement puisque Louise avait l’intention de la laisser dans une pouponnière.
Etrangement, malgré le fait qu’elle désapprouvait le mariage de sa fille, Léonie marche sur ses principes et décide d’aller chercher la petite en Suisse. Elle part en train et revient avec le bébé.
Amanda grandit dans un univers où le travail et le désordre sont constants, mais dans lequel elle reçoit l’attention maladroite des grandes filles, ses tantes, dont spécialement Julia, la plus sensible. Les années passent. Bientôt on la nomme « Mouchka » , expression la plus tendre de chacune de ses jeunes tantes. Elle poursuit ses études sous le regard attentif de Julia, se fait des amies à l’école dont aucune ne peut venir à la maison et perd peu à peu le contact avec ses parents bien que ceux-ci viennent quelques fois la voir et lui apporter de somptueux cadeaux.
Durant onze ans, Mouchka est ainsi élevée par sa grand-mère et ses tantes jusqu’à ce jour de 1934 où brutalement elle doit tout quitter pour rejoindre ses parents à Paris. L’adaptation lui parait difficile et en même temps elle se réjouit. Ses parents parlent surtout anglais. Bien qu’elle essaye de se rapprocher de sa fille, sa mère n’est pas tendre. Son père boit beaucoup. Il a retrouvé du travail à la « General Motors ». Il semble qu’ils ont une vie plus confortable que chez Léonie : une servante, un grand appartement et plusieurs chambres « de bonnes » au 6éme étage d’une maison de maître. A onze ans, cette petite fille est une enfant sage, ne se rebelle pas. Bonne élève, elle entre directement en secondaires dès son arrivée à Paris.