Anna O. nous raconte ce qu’elle a vécu après-guerre dans une école catholique à Bruxelles.
Avec le recul et jugeant maintenant en adulte, ma scolarité a été « pauvre ». Dans aucune classe elle n’a répondu à mes attentes. Nous étions embrigadées dans une forte discipline et en aucun cas nous n’avions droit à donner notre avis, notre appréciation, notre accord ou notre désaccord. Pas de discussion, pas de débats, il fallait avaler…
Les études sont donc très peu intéressantes ; mon esprit y est absent. Aucune initiative n’y est permise, l’originalité y est bannie, la créativité est nulle. Après les primaires vous devez choisir : les gréco-latines ou les moyennes très mal considérées. Toutes, nous plongeons dans les gréco-latines, restent deux élèves pour les moyennes.
C’est dur de rester accrochée à ce banc six à sept heures par jour alors que ces langues mortes ne m’attirent pas. D’autant plus que les cours sont donnés par des religieuses qui lisent tout leur cours. Un jour même l’une d’elles s’est endormie sur son livre et tout en dormant elle continuait son cours. Elle balbutiait des mots incompréhensibles en latin. Nous avons ri jusqu’à son réveil. Aucune des religieuses enseignantes ne possédait un diplôme sauf une seule un diplôme de régente ménagère…
Je me souviens très bien de la classe de troisième primaire : au plus les heures avancent, au plus cette classe devient terne. Une lampe crue pend lamentablement du plafond nous éclairant lugubrement.
Toutes ces années la discipline y est très rigoureuse. Un coup de claquettes : nous devons nous mettre debout. Un autre coup de claquettes pour nous asseoir dans un silence parfait ; nous rangeons nos livres puis nous devons mettre nos mains jointes sur le bureau et écouter une petite méditation ; ensuite les cours peuvent commencer avec un accent particulier sur la religion évidemment.
L’injustice est palpable à tous les étages malheureusement, et j’en ai de tristes souvenirs. Les religieuses favorisaient toujours les enfants dont les parents étaient les plus fortunés. Nous avons dans notre classe la fille d’un armateur. Elle était souvent absente et pas d’une intelligence supérieure. Elle allait et venait à sa guise de Bruxelles à Ostende, ses parents étant divorcés. Et toujours elle réussissait tout en ne sachant pas grand chose. Mais nous devons nous taire, ne jamais soulever la question, n’émettre aucune opinion. Je me suis fort ennuyée à leurs cours monotones mais mon esprit est toujours en balade ; elles n’ont pas réussi à me captiver.
En poésie, nous avons 16/17 ans une religieuse laisse échapper cette phrase : « les hommes pouah… » Si elle déteste les hommes à ce point, je pense qu’elle est bien dans sa vocation. Encore une autre phrase que l’on nous serine allègrement : « N’oubliez pas que vous faites partie de l’élite »… Cette phrase m’a d’ailleurs joué des tours. Ce n’est pas ainsi que l’on prépare des jeunes filles à affronter plus tard tous les milieux.
Répondre
Vous avez raison, Andrée. Nous vivons tous des expériences bien différentes. anne-marie f.