Les yeux à peine ouverts, elle est sortie du lit et d’un bond de sylphide s’est précipitée à l’intérieur de son nouveau maillot de bain, d’un vert mousse, souple, satiné, caressant. Adieu laine dure à la peau et longue à sécher, le synthétique a fait son apparition !
Encore pâle et frileux en ce matin de juillet, le ciel calme annonce une couleur pleine de promesses : d’azur il sera. Vacances d’été, deux mois de liberté pour Annie, elle a douze ans, des boucles folles, un tenace besoin d’évasion.
Eh hop ! Elle arrache du fil une grande serviette à peine sèche et la fourre dans le kid-bag à l’haleine de caoutchouc moisi . Ne pas oublier la petite culotte !
Tartines de confiture aux fraises, malt bien sucré, pas trop chaud ; et la voilà partie, sac à l’épaule, nez au vent, à peine coiffée et suivie du chien de la maison, ravi de l’escapade. La porte a claqué trop fort, tant pis !
Des espadrilles, une blouse de coton aux petites manches froncées, quelques francs, si peu, glissés dans la poche du short.
La peau de ses bras nus déjà bronzée frissonne, elle aurait dû se couvrir. Elle ne marche pas, elle s’envole vers l’Hydrion pour arriver la première. Elle laisse vivre les coquelicots du chemin terreux.
La piscine : des fermiers, les frères Klein, trônent à la caisse dès dix heures, toujours pareils dans leur cache-poussière un peu vert, un peu gris. Plus tard, vers midi, ils ouvriront l’aubette avec ses limonades et ses petits pains au salami d’Ardenne, mmm !
Du même ton que les cache-poussières, l’eau stagne encore dans son lit de béton, elle se prélasse, frémissante aux premières heures du matin, loin des cris, des jeux, des plongeons intrusifs. On n’en voit jamais le fond. La sauvage de la source somnole, silencieuse, prisonnière, toujours fraîche, voire glacée. Il faudra l’apprivoiser avant de s’y glisser. Durant la nuit, le rebord de pierre brute a perdu les empreintes des pieds humides et alentour, une herbe rude savoure la rosée.
Vite, une cabine ! Il est obligatoire de laisser ses vêtements au vestiaire, c’est inscrit ! Le préposé se manifestera à l’ouverture du petit guichet intérieur. Parfois c’est long ! Louer une cabine privée, comme celle de madame Zoller, l’institutrice de sixième, ce serait bien.
Très loin, des vaches de province parquées dans la prairie voisine et des taons amateurs de chair tendre. Annie s’installe, loin aussi des toilettes souterraines et nauséabondes (elle fera pipi dans l’eau).
Pour calmer son impatience, elle va se bercer sur une balançoire grinçante, protégeant ses mollets du fer rouillé ; une odeur de foins flotte dans l’air, le soleil s’affirme, il se faufile déjà dans la rangée de sapins.
11 heures. « Elle est bonne ! », s’écrient les nageurs matinaux mettant fin à la trêve. Voici enfin le temps des clapotis et des cascades. Assise sur le bord du bassin, les orteils depuis longtemps submergés, la petite sirène va s’enfoncer avec délice au cœur des ondes un peu vertes, un peu grises. Le chien de la maison s’est étendu à l’ombre des sapins.

1 commentaire Répondre

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    ho,suzanne, l’hydrion et l’eau verte, glacée sur la peau !
    que de souvenirs du chemin à parcourir,long, long, pour les pieds menus et les jambes enfantines.
    Beau texte !Léger,sensuel,parfum de mémoire et souvenir vivant.
    La dernière fois que je suis allée à Arlon,j’ai vu des flèches :"l’hydrion, shopping center" !
    Autre temps,autres moeurs ! Bisou Domi

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