Ce texte fait partie du feuilleton "Ma soeur, cette héroïne", écrit par José T. Lire l’ensemble
A l’instigation de son Roméo, le laborieux jeu de lettres en cartons fut vite remplacé par la main : fermée en poing pour un point et ouverte pour une barre.
Pas d’écrit, pas de son, c’est le système de communication le plus sûr et le plus silencieux jamais mis au point dans l’histoire de la cryptographie. Il ne laisse aucune trace. Il vole et passe dans l’air comme un papillon rose. Les tourtereaux sont seuls au monde, ce qui les rend plus ingénieux. Le mot "amour" se traduit en abrégé par un "point" qui est la lettre "A", première lettre de l’alphabet.
De son côté, "Macadam" mettait, en même temps, en place un réseau de communication à l’intérieur même de la prison en utilisant les tuyauteries comme fil conducteur. Sur base du même système morse mais en s’appuyant sur les sons, martelant les tuyaux, du creux d’une cuillère pour les barres et du dos pour les points, il captait et envoyait des messages. La nuit, la prison bourdonnait comme une forêt hantée par des tams-tams et, dès le matin, les messages circulaient entre la prison et ma sœur qui les donnait en clair à mon père qui se chargeait de les transmettre aux destinataires.
Dès le 14 novembre 1943, ",un système de liaison télégraphique entre la prison et l’extérieur. La mécanique géniale des "Mains qui parlent" est mise en place et ne s’arrêtera plus d’émettre jusqu’à la Libération.
Et oui, ma grande sœur qui "…se tient debout dans l’embrasure, fermant et ouvrant sa menotte en barre et point…" n’est ni folle, ni sourde, ni muette. Amoureuse, elle ignore tout simplement qu’elle est devenue, en fait, l’agent principal de liaison d’un réseau de communication clandestin dont les ramifications ne cesseront de s’étendre jusqu’à atteindre les maquis de l’Ardenne profonde, et dont l’Armée Secrète tirera bientôt profit.