Ce texte fait partie du feuilleton "Ma soeur, cette héroïne", écrit par José T. Lire l’ensemble
– Plus de toits, plus de cris, c’est terminé, décida mon père, mis au courant de la descente de police.
– Ces gens ont besoin de nous, objecta ma mère, nullement impressionnée par la menace de ces "schleus" aux bottes luisantes de puissance et d’autorité.
– Bien sûr, corrigea mon père. Nous devons seulement être plus discrets. On pourrait, par exemple, les autoriser à se montrer à la fenêtre de la chambre des filles.
Celle-ci donnait aussi sur les murs arrière de la prison.
– Qui pourrait nous interdire d’aérer la chambre et de secouer les draps de lit, conclut ma mère.
C’est donc dans cette chambre que les familles, père, mère, frère, sœur, fiancée, épouse de prisonniers, venus de tous les horizons, défilèrent dès lors pour contempler le sinistre panorama de la prison et se faire voir des détenus. Ayant abouti chez nous la première fois par ouï-dire, ceux qui le désiraient pouvaient revenir, sur rendez-vous, aux jours et heures convenus, car il fallait prévenir les détenus concernés.
C’était une chambre banale tapissée de fleurs roses, occupée par deux lits de cèdre et un buffet lavabo surmonté d’un miroir. Il y flottait un parfum de poudre de riz.
Vu le silence qui régnait dans cette pièce, la componction et la religiosité que les gens affichaient en y entrant, on aurait pu se croire dans une chapelle ardente. C’était ma mère ou ma grande sœur, quand elle était présente, qui les introduisait un par un et les menait vers la fenêtre à deux battants qu’il était convenu d’ouvrir et de fermer à deux reprises en les faisant claquer pour signaler l’apparition prochaine du visiteur attendu. Celui-ci était alors invité à se tenir devant la baie ouverte d’où il envoyait un baiser ou saluait de la main ou se signait devant un saint imaginaire suspendu dans une niche grillagée, à même le mur sanctifié de la prison. Ces scènes comico-mélodramatiques se déroulaient dans un silence absolu comme dans un film muet, pianiste exclu.
Je revois ce vieux papa, tremblotant d’émotion qui, embarrassé par ses lunettes, tentait d’ajuster les jumelles à ses yeux, "Calmez-vous, calmez-vous", lui soufflait ma sœur Maguy, en lui tenant le coude, pour l’orienter dans la bonne direction : "A gauche, plus à gauche, plus haut… La deuxième fenêtre, de la deuxième rangée, en partant de la gauche…"
– Ah, je le vois, c’est lui", larmoyait le petit vieux. "Il est vivant ! "
Ma sœur Maria, qui partageait la chambre avec ma sœur aînée, n’appréciait pas du tout ce va-et-vient permanent qui violait, disait-elle, son intimité. N’en pouvant plus d’être ainsi dérangée, alors que, grippée, elle devait garder le lit, elle supplia maman de suspendre " la vente".
– La vente ! fit ma mère interloquée.
– Oui, la vente, insista ma sœur Maria. Quand je les vois entrer dans ma chambre, examiner les murs avec méfiance et me dévisager jusqu’au fond des yeux, se faire tirer les rideaux et ouvrir les fenêtres pour contrôler que tout est conforme, j’ai l’impression qu’ils viennent acheter ma chambre et son mobilier, et que je fais partie du lot.
– Patience, patience, dit notre mère. Pense à la désolation de ces gens dont le fils, le frère ou le père souffrent les pires tourments.
Pas convaincue, ma sœur n’en punaisa pas moins, au-dessus de son lit, une affichette avec la mention : "Ce lit n’est pas à vendre et non plus celle qui l’occupe". Ce qui fit dire à une dame qui respirait le chagrin, si bien que l’humour lui était interdit : "Auriez-vous l’intention de vendre la chambre ? Que ferons-nous s’il en est ainsi ?"
– Il n’en est pas question, dit ma mère. Ma fille fait une grosse fièvre. Il lui arrive de délirer !
– Ah, bon ! fit la dame. C’est mieux ainsi !
– Oui fit ma mère. Mais tout de même, la grippe ça tue aussi.
mounah Répondre
C’est vraiment formidable de lire cette histoire de famille sur le rangement des chanmbres de ces jeunes filles. Le père se soucie toujours des affaires de leurs filles, mais contrairement à cela, elles ignorent tout ce que nous voulions leur offrir. Et c’est ainsi que les arguments commencent toujours à faire vagues à la maison. Si j’étais à leur place, je consulterais d’abord différents catalogues proposant différents styles de rangement, ou des blogs qui le mentionnent également. Je venais de voir, par exemple, sur http://rangement-atelier.over-blog.com/, quelques idées de rangement, même si elles avaient été conçues pour un atelier, cela ne m’empêche pas de tirer quelques idées, pour ranger aussi une chambre, et je trouve qu’il n’y auras pas trop de difference entre cela.