Tout au long de mon enfance et de mon adolescence j’ai été élevée selon la tradition Judéo Chrétienne . Il s’agissait, je crois, d’une sorte de tradition familiale plus que d’un choix idéologique en considérant qu’à cette époque l’enseignement « privé » était toujours confessionnel, en opposition à « l’officiel ou communal » dans lequel il aurait été impensable de nous envoyer.
Je ne garde aucun souvenirs précis de mon entrée au pensionnat, je n’avais alors que 7 ans et je subissais sans broncher cette atmosphère pleine « d’interdits » tels p.ex. la défense de se tutoyer sous peine de mauvais points (même s’il s’agissait de ma sœur) ; défense aussi de se parler à table. Je revois encore la religieuse qui du haut de sa chaire nous lisait l’histoire des ruines de Pompéi ! Interdit aussi de se promener à deux dans la cour de récréation ( le diable est au milieu) ! .
Avec le temps et après réflexion j’en suis arrivée à me demander si l’aversion profonde que j’ai toujours ressentie au seul énoncé du terme commandement ne provenait pas de cette époque où il se trouvait toujours associé aux termes bâton,obligation,punition .
Lorsque l’on parle dans ce thème de COMMANDEMENTS il s’agit ici bien entendu de ceux qui nous ont été enseignés dans nos cours de religion dont la transgression était qualifiée de péchés plus ou moins graves et soumis à leur confession seule capable de les effacer selon les regrets exprimés . Cette obligation de confession périodique jointe à la recherche méticuleuse , de toutes les fautes, mêmes les plus bénignes ,qu’il fallait avouer sans omissions sous peine de péché a été le bâton qui a guidé mon enfance , mon adolescence et même le commencement de ma vie adulte . Mon pouvoir de décision souvent dicté par des pulsions incontrôlables telles p.ex. révolte, colère, gourmandise… était sujet aux reproches face à cet idéal de perfection qu’il nous fallait atteindre sans égards pour les fluctuations émotionnelles qu’il nous fallait sans cesse refouler au profit d’une morale du devoir froide et rigide . Cette morale exigeait une abstraction totale de ses propres désirs étant orientée essentiellement vers notre prochain , l’altruisme étant la qualité prônée, l’égoïsme étant son contraire et profondément condamnable. Une humilité parfaite était aussi considérée comme un idéal à atteindre , nous juger sans indulgence. Le « mea culpa « étant très régulièrement pratiqué et intégré à nos fautes.
Au sujet de l’amour, seul l’amour de dieu nous était proposé comme unique référence qui devait nous combler. Il était l’altruisme personnifié proposé comme exemple à suivre pour avoir accès à la vie éternelle où nous serions enfin récompensés au-delà de toutes attentes..
Tels sont les messages qui ont eu un impact important dans ma vie et je me rends compte aujourd’hui à quel point j’en ai été imprégnée. Je me suis rendu compte à quel point pendant toutes ces années de pensionnat , jusqu’à mes 18 ans, je me suis sentie vide d’amour d’autant plus que je n’avais jamais eu la chance de connaître celui de mes parents ni de ma famille dont j’étais très éloignée. L e rôle éducatif des religieuses à qui j’avais été confiée ne comportait d’ailleurs pas ce genre de compensation !!!
Je me souviens avoir éprouvé pendant longtemps , sans en être vraiment consciente , une véritable soif d’affection. Je crois qu’elle se trouvait enfouie dans mon moi profond qu’on nous avait appris à ne jamais dévoiler pour n’avoir pas à le renier..
J’ai ressenti une grande peur à la fin de mes études en devant quitter le pensionnat. Il me fallait entrer dans un monde que je ne connaissais pas, sans les « protections » auxquelles j’avais été habituée. Les religieuses avaient très peur pour moi et me répétaient que le « vrai » bonheur se trouvait dans les couvents.
J’ai cependant assez vite compris que ces protections que j’avais connues étaient éphémères aussi bine que cette « foi » en l’intervention divine dont j’avais été imprégnée, et qu’elles ne tiendraient pas longtemps la route.
Je partais cependant avec la conviction que ma vie serait telle que je la ferais et j’y mettais tout mon espoir.

Depuis lors beaucoup d’eau a passé sous les ponts. Il m’est difficile aujourd’hui d’évaluer l’impact personnel des messages que nous avons reçus. Ils ont orienté nos caractères de différentes manières qui pourraient être classifiés selon l’échelle des valeurs que nous avons adoptée ,la personnalité de chacun est tellement complexe et marquée profondément par les circonstances de vie qui l’ont entourée ;c’est pourquoi et heureusement chacun est unique en son genre.
Ce qui pourrait , à mon avis ,être reconnu par beaucoup d’entre nous serait la « recherche » du bonheur dont l’évaluation reste très personnelle. Nos expériences de vie sont très différentes, qu’elles soient heureuses ou malheureuses,chacun de nous les intègre dans l’ensemble de son vécu qui entraîne des réactions souvent impénétrables par les autres. Il est toujours possible et même souhaitable , d’essayer de comprendre certaines situations qui pourraient s’inscrire dans un cadre pré établi, tels p.ex. : vie familiale ou autre ,personnes âgées,déplacées, handicapées etc. c’est pourquoi diverses associations spécifiques se sont crées regroupant des personnes pouvant y apporter leur vécu donnant un éclairage plus pertinent sur les difficultés mais aussi sur les apports positifs qu’elles ont rencontré .
En 1998 il m’a été demandé de publier pour une feuille familiale, mon témoignage sur le bonheur,tel que je le concevais à ce moment. La question étant : « suis-je heureuse aujourd’hui ? » compte tenu des circonstances particulièrement pénibles que j’avais vécues : ( perte accidentelle de mes deux filles en 1970 et 1972).
Par-dessus le temps au cours duquel il m’a fallu réanimer de petites étincelles de bonheur et surtout grâce à toute l’affection dont j’ai été entourée,j’ai repris confiance en la vie..
Je tiens à préciser très sereinement ,et après un long cheminement,que je suis profondément « Athée » et ne me suis donc jamais réfugiée dans une hypothétique survie après la mort. Je crois cependant à la réalité du souvenir de ceux que nous avons aimés et qui nous habitera aussi longtemps que nous vivrons .
Telle était ma recette du bonheur à laquelle se joignait tout l’amour rencontré autour de moi et c’est cela que j’ai développé avec beaucoup de conviction dans cet article .Après sa publication diverses réactions m’ont été adressées qui m’ont été très utiles et m’ont permis de me rendre compte à quel point ma conception du bonheur telle que je l’affirmais comme une vérité acquise « ex cathedra » était en réalité très fragile et sujette à des bouleversements .
Ces derniers mois mon fils aîné à eu un problème de santé qui aujourd’hui n’est pas encore résolu ;Cette période d’incertitude que nous vivons chaque jour,même si elle est peut être moins intense qu’au départ m’a fait réfléchir au texte d’une chanson de Jean Gabin et qui devient pour moi très significative : au début, on dit « je sais, je sais « et c’est ainsi qu’on avance dans la vie ,pour enfin découvrir avec le temps qui passe « qu’en réalité on ne sait jamais « …C’est cette incertitude qui nous met à l’écoute et nous aide à comprendre la valeur positive des choses, :,le parfum d’une fleur ,la couleur d’une rose …tout ce qui se cache derrière les mots…et qui ne sont pas toujours évidentes à nos yeux.
Et c’est cela que j’essaie de découvrir aujourd’hui : la valeur de l’amour qui s’accompagne de compréhension ,d’écoute de tolérance et d’espoir qui seules pourront nous apporter le bonheur et la paix.. Et cela « je le sais » même si cet idéal n’est pas facile à atteindre ! On peut s’y accrocher non ?

1 commentaire Répondre

  • Jean N. Répondre

    Bonjour Nadine. J’ai aussi subi ce lavage de cerveau, mais à l’école paroissiale. Heureusement seulement trois ans. Après j’ai fréquenté l’enseignement officiel et j’ai compris très vite que ces "commandements" ne venaient pas d’un dieu inventé par des hommes pour asseoir leur pouvoir sur d’autres hommes et sur les femmes surtout. Vous avez pu vous libérer plus tard de cette emprise. Une petite remarque : partout on vante la "chanson de Jean Gabin" Elle est pleine de vérité et bien dite par lui, mais elle n’est pas "de Jean Gabin" Rendons à César... L’auteur des paroles est Jean-Loup Dabadie aujourd’hui de l’Académie Française. Je ne sais pas grand chose, mais ça, je sais...

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