Donner des conseils, c’est facile...
Mais, cela sert-il à quelque chose ?...
Des conseils, nous en avons tous reçu beaucoup.
Et puis, qu’en avons-nous fait ?
Le mieux n’est-il pas de rester modeste et d’accepter que nos solutions ne sont peut-être plus celles qui conviennent aujourd’hui ?
Et si au fil du temps nous avons cru trouver quelques remèdes à nos difficultés, n’est-ce pas souvent après le fameux « apprentissage par essais & erreurs », tellement étudié en psychologie expérimentale ?
Finalement, ce qu’on attend de nous, n’est-ce pas plutôt de la patience, de l’attention et de la disponibilité ?
Dans l’attitude aimante de celui qui est prêt à recoller les morceaux ?
De celui qui est prêt à encourager ou à soutenir des remises en question ?
Il me semble, aujourd’hui, que ce n’est que dans cette relation, qui ne blâme pas l’échec, que nous pourrons aider à construire, consolider, une relation ou une personnalité.
Je n’oserais aujourd’hui donner à mes enfants aucun conseils sur « la bonne façon d’éduquer » mes petits-enfants.
D’abord, parce que je suis bien conscient de ne pas avoir atteint moi-même mes objectifs...
Et quels objectifs ?...
Parce que les miens ont bien varié avec les années...
Au début de mon mariage, quand les enfants étaient encore petits, j’avais tendance à faire confiance à mes parents, et à reproduire ce que j’avais moi-même connu.
Jusqu’en « mai ’68 ».
Soixante-huit a signifié pour moi le début d’une période d’incertitudes.
Je me souviens du slogan écrit sur un tableau lors d’une assemblée générale à la Sorbonne : « Il est interdit d’interdire ».
C’était la clé d’un tas d’interrogations nouvelles pour moi.
Je partageais beaucoup de complicité avec la Mère de mes enfants. Et, sans basculer dans les pédagogies libertaires, nous avions cependant perdu la sécurité de nos balises.
Nous avons dû expérimenter nous-mêmes beaucoup.
Mais toujours dans l’amour, sans perdre de vue ce que nous pensions être l’intérêt des enfants.
Et il est clair que nos enfants se sont souvent montrés indulgents et
discrets devant nos hésitations fondamentales...
Il y a quelque chose que je voudrais leur transmettre, et je ne suis pas sûr d’y arriver.
Le temps passe...
C’est de s’écarter pour toujours de tout dogme [1].
Et de se faire confiance pour oser chercher, et trouver (!), la solution qui leur paraît la meilleure pour eux, à l’instant où ils vivent.
Et qu’ils se donnent la permission de se tromper parfois.
Et de recommencer.
Aller jusqu’au bout !
Plutôt que de tricher en faisant semblant de connaître la route qu’il faut suivre...
[1] Système de croyance présenté par une autorité ( particulièrement l’Eglise )qu’il faut accepter comme vrai, sans poser de questions.
Jean Lenoir Répondre
Merci à Luc BOUCKAERT pour son texte « Donner des conseils » !
Il m’invite à rebondir en me plongeant dans un article de Maurice BELLET sur l’écoute (in « Annales Cardijn » n° 14 – 1996). J’en reprends en vrac certains passages, tels qu’ils me reviennent à la lecture, en échos à ce qu’il a écrit.
« L’écoute pure est l’effacement le plus grand, une sorte d’anéantissement qui est, pour la voix qui parle, son droit à l’inouï.
Sans savoir, car le savoir est déjà jugement.
Sans méthode, car méthode signifie des procédures qui assurent qu’on écoutera bien.
Sans vouloir et sans désir. Qui écoute ne veut rien de l’autre, même pas « pour l’autre » et pour son bien.
Laisser se dire ce qui se dit, ne rien en écarter ; être présent entièrement, non pas seulement de tête ; en même temps, laisser tout l’espace ; si l’on parle, se borner à proposer, et au plus proche de ce que dit l’autre ; ne faire précéder son écoute de rien.
S’il fallait donner une figure sociale à l’écoute, la meilleure serait sans doute du côté de cette pratique antique, perdue voire impossible en notre monde : l’hospitalité. Ecouter c’est se faire l’hôte de l’hôte qui vient. L’hôte ne demande rien à celui qu’il reçoit, il n’a pas souci de l’enseigner, de le conduire, lui faire avouer la vérité. Il parle ou se tait, selon ce qui paraît le gré de l’autre. L’hospitalité est discrète. Elle se borne à donner au voyageur de quoi subsister en la halte nécessaire. L’écoute est hospitalité intérieure. ».
Sur quels sommets, cher Luc (que je ne connais pas), m’as-tu entraîné !
Jean LENOIR