Ce texte fait partie du feuilleton "Mes premiers amours", écrit par Adrien Lire l’ensemble
J’ignore totalement ce qu’il est advenu de Gaby.
Aujourd’hui il ne me reste d’elle que son image en miniature sur une petite photo aux bords rognés. Je contemple à la loupe le visage de mon premier amour. J’y reconnais son regard et sa bouche mutines. Et une foule de souvenirs se bousculent dans mon cœur suivis de regrets persistants ainsi que de mépris, fille aînée de la haine. Mépris de ceux qui nous ont tant blessés en confondant bienséance et apparences, pudeur et pudibonderie. Mépris aussi d’une période où sévissaient des précepteurs religieux et laïcs dont la morale bornée avait pris naissance en de lointaines nuits d’obscurantisme. Cette morale, ils la voulaient intangible quel qu’en soit le prix, fut-ce celui de l’hypocrisie. Mépris encore pour la bêtise des êtres persuadés de détenir la vérité et décidés à maintenir au fond de son puits la seule vérité, celle aux mille visages et au corps nu.
Où es-tu ma petite rousse aux rires éclatants, muse éphémère de mes premières lettres d’amour, princesse au bois dormant replongée dans le sommeil sitôt réveillée ? Te souviens-tu encore de la première rencontre de nos regards, du premier frôlement de nos mains, du premier contact de nos lèvres, de la sensualité retenue de nos premiers attouchements par trop pudiques ?
Sais-tu que notre école a été démolie récemment ? Qu’il ne subsiste rien du préau sous lequel tu t’abritais, à la limite de la pluie, afin que je puisse te contempler à satiété, mon arrosoir à la main.
Qu’il ne reste rien du cabinet d’aisances que je transformais, en me pinçant le nez, en salon de lecture pour y déchiffrer tes doux billets ?
Peu avant la démolition, par un dimanche maussade, accompagné de mon chien, je me suis rendu à mon ancienne cour de récréation. Le préau y avait été transformé en garages. Avec mon yorkshire en laisse j’ai fait le parcours du carré rouge des punis où j’ai tourné un jour, les bras croisés, parce que j’avais commis l’impudence de t’aimer. Je me suis replacé devant les larges vitres de la classe maternelle et ton image sautillante d’adorable adolescente m’est apparue. Je t’ai fait le signe conventionnel de la main attendant en retour ton baiser stylisé mais tu ne m’as pas répondu. Ton fantôme s’est confondu dans le crachin d’une après-midi d’automne. Peut-être n’a tu pas reconnu,après plus d’un demi-siècle de séparation, l’amoureux passionné de tes treize ans.
Et je suis reparti avec mon chien et mon vieux rêve inabouti, heureux de la dernière vision d’un amour ancien mais toujours présent à un détour de mes souvenirs. D’un amour qui fut mon premier et dont le parfum enivrant me poursuit toujours.
romy Répondre
Merci tout d’abord pour cette belle histoire ! D’après moi, l’amour que nous vivons à chaque fois, que nous sommes amoureux, est le plus fort le plus vrai l’ ETERNEL. C’est d’ailleurs, pour cela, que je veux m’empêcher d’aimer, ou devrais-je dire, je voudrais car je n’y arrive pas ! J’aime, nous nous aimons et puis des jours heureux s’en suivent, mais après un temps plus ou moins long, l’un des deux aime moins et cela ne va plus ! C’est toujours le même, qui fait des compromis. Ce n’est pas possible !
J’aime, j’ai 60 ans, je souffre et je me laisse manipuler comme une gamine de 12 ans et encore... Je me montre détachée et... puis nons dès que nous sommes ensemble, je n’y parviens plus ! Je ne veux pas vivre de souvenirs, j’aimerais une vie où quelqu’un le soir puisse me tenir la matin et suivre ensemble un chemin qui nous conduirait à une fin inévitable, mais dans l’amour l’un de l’autre ! Est-ce trop demandé ? Si vous connaissez un remède, faites-le moi savoir ! Merci de m’avoir lue et d’écrire de tellement beaux textes sur ce site.