Que reste t’il au terme d’une vie, lorsque tout ce qui est partiel s’efface devant l’essentiel ? Au grand livre des espérances, des illusions, des aspirations et des amours, quelles sont les pages qui garderont leur éclat ?
C’est le moment de se faire face sans indulgence, sans intransigeance aussi. Mais, comment tenter de se re-connaître, de regarder le chemin parcouru, avec cette lucidité sage qui mène, peut-être, à notre vérité, sans remonter à l’inévitable creuset de l’enfance ? Cette aube, ce matin de la vie, qui nous a marqués d’un sceau indélébile, à partir de la tendresse, ou de son absence, climat où se forge l’être de joie et de douleur qui fera l’adulte de demain ?
Avec ce bagage positif et négatif à doses inégales, nous nous sommes lancés à l’assaut de la vie, mais, le crépuscule venu, que garderons-nous au plus profond de l’âme de cette étrange aventure qu’est une existence humaine ?
Aux aurores, ce sont les fous rires et les émerveillements, les échecs et les rencontres providentielles de la jeunesse, les premiers battements de coeur et les premières larmes des premières amours. Puis, le tourbillon de la vie nous emporte. De ces décennies tour à tour exaltantes, écrasantes, décevantes ou, par périodes, privilégiées, chaleureuses et apaisées, traversées parfois d’une fulgurante et déchirante passion, les plus beaux joyaux seront les sourires des tout-petits, l’amitié et la complicité filiales, ces perles qui pèseront lourd, venue l’heure des séparations, mais aussi les étoiles des non-dits et l’enthousiasme des découvertes.
La musique, elle, restera, tout au long de la route, la compagne parfaite et fidèle qui harmonise nos heures, des plus éblouissantes aux plus désespérées.
Et tous ces livres aussi, qui ont jalonné nos pérégrinations, nous révélant à nous-mêmes, sur les routes de l’insaisissable vérité.
Que conserver encore ? la saveur des amitiés précieuses, cadeau inattendu, reposoir de nos inquiétudes, et encore, encore, ces milliers de visages anonymes, croisés et perdus, la beauté bouleversante d’un adolescent doré, jeune dieu égaré dans un bidonville sordide, les aubes transparentes, les couchants flamboyants, les « merveilleux nuages », les nuits diamantées…
Et cependant, à l’âge dit de la sagesse, alors que notre corps, rompu de tant de luttes, se défait autour d’un cœur resté juvénile, de tout cela, poussières d’or et de cendres, que garderons-nous, serré contre nous comme un trésor, pour le grand voyage ?
« A travers indistinctement toutes choses, j’ai éperdument adoré » disait Gide le passionné, tandis que Claude Léveillée, regrette : « nous nous serons à peine vus, nous nous serons touchés à peine ».
Un goût de miel, un goût de sel, c’est beau, une vie…
Maritchu Répondre
Dans le cadre de cet article et de la question du veillissement, je viens de lire le dernier livre de Marie de Hennezel "La chaleur du coeur empêche nos corps de rouiller."
IL propose une très belle philosophie de l’art de veillir, mettant l’accent sur l’importance du moment présent plutôt que sur la nostalgie du passé ou les fantasmes d’un futur impossible. Aidants et personnes en préparation de cet âge y trouveront bien des idées positives.
Je ne peux m’empêcher cependant d’attirer l’attention sur le fait que pour afffronter la dépendance et l’isolement social, il faut aussi un esprit et un coeur dynamiques, au sens où une pensée convaincue peut diriger comportements et ressentis.
Ma mère souffre de dégénérescence sénile, et, bien que parfois très lucide et capable d’entretenir une conversation en temps réel, elle est la plupart du temps dans les fantasmes ou des obsessions irréalistes. Comment alors affronter les difficultés ? Comment accepter la déchéance et la dépendance ? Elle ne maîtrise plus sa propre volonté, donc sa propre vie. Mais elle en souffre car elle est bien présente et doit accepter des choses qui lui sont insupportables.
Nous devons aussi apprendre à être en relation avec ces personnes-là, si démunies.