Si vous voulez, je vous en parle.
Nous sommes deux amies Bruxelloises. Nous avons 20 ans en 1958.
Il suffit de prononcer le mot Expo 58 pour provoquer chez chacune des soupirs extasiés : nos yeux brillent, les souvenirs abondent !
Elle y a découvert l’amour de sa vie, j’y ai découvert le Monde !
J’ai souvent l’impression quand je parle de L’Exposition Universelle avec une émotion que j’arrive difficilement à dissimuler, que ceux qui m’écoutent se posent la question : « Etait-ce vraiment aussi fantastique ? »
Mais rendez-vous compte ! La guerre est terminée depuis un dizaine d’année. Nous faisons enfin quelques voyages hors frontières : le Grand Duché de Luxembourg, la Hollande, le Nord de la France !
Nous savons peu de choses des autres pays, sinon les clichés traditionnels. Nous n’avons pas encore ouvert les yeux sur le monde.
Et voilà que Bruxelles accueille toutes les nations dans leurs plus beaux atours.
Mon père m’offre un abonnement de six mois. (Je l’ai toujours !)
Le fait de vivre à deux pas d’une exposition aussi importante est un privilège dont nous profitons largement. J’y passe tous mes loisirs, mes vacances.
Une multitude de pavillons, certains grandioses, d’autres plus modestes, rivalisent d’imagination pour présenter les richesses et les technologies de pointe de chaque pays.
La France est légèrement en retard pour cause de grève. Les Bruxellois ne manquent pas de railler leurs voisins à l’occasion de ce rendez-vous manqué. Mais on est séduit par l’exhibition de leurs les plus belles œuvres d’art et, chose extraordinaire, un avion est suspendu à la voûte.
L’URSS et l’Amérique se font face. C’est l’époque de la guerre froide.
L’URSS, pavillon volontairement imposant, énorme, de verre et d’acier, nous écrase par sa solennité. On gravit plusieurs marches pour accéder à un hall immense flanqué de statues gigantesques, représentant la force vive de l’Union Soviétique. Des reportages photos et des maquettes nous vantent un pays communiste idéal.
Et voilà le tout petit Spoutnik, hérissé de pointes comme autant de paratonnerres.
Lancé par l’URSS en 1957, il a tourné pour la première fois autour de la lune. Nous avons le privilège d’en admirer la reproduction exacte, au centre du pavillon.
« C’est ça le Spoutnik ? »
« Comme c’est petit ! »
Nous entendons les mêmes réflexions que celles des touristes aujourd’hui devant Manneken-Pis !
Juste en face se profile le pavillon américain, tout en rondeurs, avec ses plans d’eau et ses fontaines.
Lumineux, léger et agréable, les Américains ont tout basé sur la séduction. Ce pavillon contraste totalement avec le bâtiment carré et lourd qui lui fait face.
Des défilés quotidiens de mode, des concerts et des spectacles colorés se déroulent au milieu des fontaines et d’arbres emprisonnés à l’intérieur. Un ravissement perpétuel.
La Hollande a reproduit ses canaux, la Grande-Bretagne expose sous bonne garde, les joyaux de la couronne, l’Italie, toute blanche, a disséminé les pavillons à travers des ruelles qui nous emmènent dans le Sud, avec ou sans soleil. On y découvre le café expresso.
La Thaïlande nous émerveille par la reproduction grandeur nature du temple de Bangkok, à la toiture recouverte de feuilles d’or.
Plein d’autres pavillons et lieux de découvertes nous fascinent. La Tchécoslovaquie, toute en grâce, nous fait découvrir les représentations de la Lanterne Magique : un jeu d’acteurs et de films, d’images mêlées qui nous propulsent dans un monde magique, jamais vu.
Des télésièges sillonnent les espaces aériens de l’Expo.
La marche à pied est l’exercice commun de tous les visiteurs.
On comprend très vite que l’idéal est de se munir de chaussures ou sandales confortables. Et certains, n’hésitent pas à plonger les pieds dans l’eau des fontaines.
Des machines vibratoires sont d’ailleurs installées un peu partout. Moyennant une pièce de monnaie, elles soulagent en quelques minutes les lourdeurs des jambes et fatigues accumulées pendant la visite..
Tous les jours se produisent des manifestations nouvelles.
De prestigieux spectacles étrangers parmi les plus réputés viennent à nous. Je veux tout voir !
Le Théâtre National Populaire de France et Gérard Philippe, l’Old Vic de Londres, l’opéra de Pékin, les ballets Moïsseïev de Moscou
Je garde une émotion toute particulière pour une comédie musicale américaine venue de New-York, « a Wonderful Town » de Léonard Bernstein. Nous connaissons ces comédies musicales grâce au cinéma mais nous n’avons jamais vu de tels spectacles en direct. C’est stupéfiant ! Mise en scène, rythme, musique : on sort de là transfiguré.
Et puis il y a « la Belgique Joyeuse ».
Tout un quartier à l’ancienne : ruelles en pavés, pignons, places et venelles à la Breughel. Petits orchestres et fanfares y déversent leurs notes endiablées. Les façades en trompe l’œil sont très réussies.
Cafés, restaurants, estaminets et lieux folkloriques sont nombreux. La bière s’y consomme en abondance bien sûr.
A proximité est installé un immense Luna Park aux attractions internationales, extravagantes qui offrent aux jeunes de mon âge émotions fortes. Vertiges et frayeurs sont garantis.
Mais tout a une fin bien sûr.
En octobre, l’Expo ferme ses portes. Mon amie fait des projets de mariage.
Moi je fais un pèlerinage malsain sur les chantiers de démolition.
Mais dans ma tête, tout est bien vivant.
Mon amie va fêter ses 50 ans de mariage !
Quant à moi, 1958 continue à me procurer une vague extraordinaire d’émotions, de souvenirs, d’images claires et nettes.
J’ai vécu l’événement avec l’enthousiasme de la jeunesse, la soif de la découverte , l’exaltation de mes 20 ans.
Vandevelde Rudi Répondre
Bonjour, j’ai également connu l’Expo 1958, mais j’avais 7 ans. En ce temps là j’allais à l’école N° 5 rue de la Croix de Pierre à St Gilles et j’avais une institutrice qui s’appelelait "Mlle Kertius" s’agit-il de vous ? Que de bons souvenirs.
Rudi Vandevelde