Dans la maison de mon enfance il y avait un escalier aux larges marches de chêne fleurant bon la cire d’abeilles. Ses rampes lisses et chaleureuses tels de grands bras ouverts accueillaient le visiteur et achevaient leur chute lumineuse sur le dallage neigeux du couloir, tout frais dans le clair-obscur ; où un grand porte-manteaux recevait ce qu’on voulait bien lui confier - chapeau de paille ou parapluie suivant la saison.
La porte s’ouvrait sur une grande cuisine-salle à manger claire où trônait fièrement un magnifique feu de Louvain dont les chromes brillants et le carrelage blanc émaillé de motifs bleus me fascinaient.
J’adorais y jeter lentement, un à un les feuillets du calendrier qui s’embrasaient de bleu, de vert, de rouge et d’orange ; une magie qui ne cessait de m’émerveiller.
Des cuivres bien astiqués chatoyaient sur le marbre noir de la cheminée et entouraient une vieille horloge en chêne où palpitait en un battement régulier le cœur de la maison qui berçait les heures douces de mon enfance.
Un papier fleuri de roses parcourait la pièce où un coin m’était particulièrement réservé. J’y faisais de fréquents séjours « plus qu’à mon tour » pour mes innombrables bêtises. J’y suivais du doigt en pleurnichant le contour de fleurs oubliant peu à peu le motif de ma présence. Alors je demandais : maman, pourquoi suis-je punie ? Après avoir reçu la réponse je recommençais à pleurer et à suivre du doigt le contour des fleurs.
D’un côté du feu, il y avait un grand seau en cuivre rempli de charbons noirs qui scintillaient. De l’autre côté se trouvait le fauteuil de mon grand-père, où confortablement installé il suivait d’un œil rêveur les volutes bleus, échappés de sa pipe.
A ses pieds le grand panier de notre chien « Ricky » où un jour de grande colère, pour me venger j’y avais fait « pipi ». Oh Shame !
Pauvre Ricky ! Un si bon chien, qui se laissait si gentiment malmener. Lorsqu’avec mon petit vélo, je remontais la rue en côte ; comme c’était trop dur, je lui attachais une ficelle à la queue, et l’autre bout à mon guidon. La brave bête se laissait faire et me tirait.
Je me souviens d’un jour où je l’avais même enfermé au grenier et perdu la clef. Et à chaque fois pour moi c’était le retour à la case départ « le coin aux fleurs » agrémenté de la rituelle fessée.
Mais la pire punition était « la cave à charbon » ; au début j’y avais très peur ; il y faisait si noir et je pleurais. Ensuite je m’y étais habituée et m’étais aperçue qu’un rai de lumière y parvenait provenant de la véranda. J’entendais des bruits et de voix ; et en les écoutant je perdais la notion du temps et la punition devenait plus supportable.

2 commentaires Répondre

  • jeannineK Répondre

    belle description du coin et son environnement

    ah la punition de la cave à charbon !

    j’y ai passé quelques heures dramatiques moi aussi

    quant au ’coin’ ma petite fille y a droit aujourd’hui mais souvent c’est elle même qui va s’y lover en disant :

    oui je sais je ne suis pas sage je vais au coin !

  • malisol Répondre

    Emouvant souvenir sur l’insouciance, la tendresse et la cruauté de l’enfance !

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