"Elève médiocre de l’école primaire, lors du passage en humanités, mes parents et moi choisissons de m’inscrire dans le circuit "moderne" en français, langue pratiquée à la maison. Ceci ce passe à Anvers dans les années 1954-55, lors de la mise en pratique d’une loi scolaire déclarant non-valable les diplômes délivrés au terme d’études en français en Flandres.
Comme je suis une élève dont on n’attend pas grand’chose, mes parents ne sont pas informés du fait que mon diplôme d’humanités (si je l’obtiens) ne sera pas reconnu officiellement.
Mais, l’inattendu se produit, je sors première de ma classe ! Maman est convoquée par la supérieure qui lui annonce - avec ou sans ménagements, je n’en sais rien - que je peux soit : - recommencer mon année en néerlandais dans la même école, ou - continuer en français à Bruxelles (où cette école a sa maison mère) et passer le jury central pour valider le diplôme. C’est cette dernière solution qui a été retenue.
Résultat : à l’âge de 12 ans, je suis coupée de ma famille et je quitte définitivement la région flamande, comme de nombreux autres francophones flamands, qui se sont retrouvés dans les internats bruxellois et wallons.
Actuellement, la situation est la suivante : j’habite Bruxelles, je parle français, anversois (avec mes frères), néerlandais, français et anglais (au bureau) ; mes enfants ne parlent que le français ; leur père francophone parle aussi l’espagnol et l’anglais.
Mes frères sont restés dans l’enseignement néerlandais et habitent Anvers. L’un parle néerlandais, français et anglais, l’autre parle également ces trois langues ainsi que le portugais (il a travaillé au Brésil). Mes neveux parlent tous néerlandais et anglais et deux d’entre eux parlent aussi français.
Certains cousins n’ont donc plus de langue commune.
Aujourd’hui lors de contacts avec mes frères, je constate que bien des évènements culturels et autres qui se passent en Flandres me sont totalement étrangers et réciproquement.
Il m’arrive assez souvent de regarder la télévision flamande et d’écouter la radio en néerlandais pour essayer de rester en contact avec ce qui se passe chez les voisins du nord...! ma propre famille !!!
Au total, qui suis-je ? Une fransquillon ?
Mes parents et leurs parents se parlaient en français et pratiquaient aussi le néerlandais et l’anglais. Ils habitaient tous Anvers, aussi loin que je peux remonter. L’un de mes ancêtres a même une rue à son nom à Berchem-Anvers où il était échevin.
Ma grand’mère maternelle m’a souvent raconté qu’elle ne pouvait pas parler flamand à l’école. Si elle était attrapée à parler flamand avec ses petites copines pendant la récréation, elle devait mettre le bonnet d’âne et aller dans le coin ! Je vous laisse juge de ce genre de situation !
Un beau jour donc, je me suis retrouvée dans l’obligation de quitter ma maison pour pouvoir étudier dans ma langue "maternelle". Une de mes amies flamandes m’a fait comprendre que je n’étais pas une "vraie" flamande... mais je ne suis pas une wallonne ! Je suis finalement une immigrée à Bruxelles, une zineke.
La Belgique coupée en deux, c’est une réalité depuis bien longtemps.
Viviane-Tâm Répondre
Bonjour,
Je pense que tu as mis le doigt sur quelque chose de très important : la différence entre les communautés principales en Belgique a toujours été présente. C’est juste le rapport de force qui s’est actuellement. En plus d’être numériquement majoritaire, la Flandres est devenu majoritaire aussi économiquement. Ils sont en position de force et renforce cette position en ayant une politique d’intégration basée sur la "citoyenneté" et la "langue". Ils essaient maintenant de devenir une majorité culturelle... ce qui est un peu une illusion. Car cette majorité culturelle n’est possible qu’en Belgique.