Une naïve !

Dix-huit ans depuis un mois ! La liberté, l’envie de voyager à la fin des études me prennent à la gorge. J’ai hérité, en effet, de parents insupportables, vérificateurs de mon emploi du temps, surveillants de mes allées et venues, inquisiteurs et soupçonneux.

Ils m’ont jamais accepté que je ne les accompagne pas en voyage ni que je parte en colonie de vacances, alors en voyage non organisé avec des copines, vous imaginez !
Mais l’âge de la majorité est arrivé, les études universitaires, c’est pour le mois d’octobre. Il a été décidé que l’an prochain, j’aurai un kot à Bruxelles, je devrai m’organiser seule. Pas question que mes parents me conduisent, me préparent des petits plats, par contre, il est impératif de rentrer le week-end avec la lessive.
Beaucoup de patience et de persévérance ont réussi à les convaincre qu’un voyage en Italie constituerait une bonne expérience avant d’entamer des études de philologie classique. Je les ai convaincus. Je pars avec mes économies : le baby-sitting a de bons côtés.

Avec mes deux meilleures copines, en ce début du mois d’août, je me retrouve dans le train en direction de Venise. Tout est nouveau pour moi : le quai de la gare grouillant de monde, le train, ce moyen de transport « plein de microbes » pour mes géniteurs, le ticket à ne pas égarer... Anne et Martine me paraissent à l’aise, un léger sourire au coin des lèvres. Quelle naïve, cette Nicole !

A Venise, un couvent de religieuses nous héberge. Autre étonnement : côtoyer de près des femmes aux longues robes grises. Un voile blanc entoure leur visage. Leurs yeux brillent de mystère.

Anne déballe ses affaires, elle a l’habitude des voyages « sac au dos ». Elle bavarde. L’année prochaine, elle fera médecine, elle en parle depuis longtemps. Nous nous connaissons depuis six ans, toujours côte à côte pendant les cours, Martine s’est jointe à nous depuis trois ans et partage nos secrets. Elle, par contre, hésite encore entre le journalisme et le droit.

Moi, je plane, je respire tout d’abord la légèreté de l’air, aucune substance illicite dans mon breuvage, je vous l’assure ! Et ce n’est pas ici, à Venise, que je reprendrai pied !

Actrice, oui, je rêve de devenir actrice comme ma grand-mère maternelle. Son talisman : un pendentif en verre coloré de couleur bordeaux cerclé de métal or. Jamais je n’ai dévoilé ce projet à mes amies. Elles pensent que je vais choisir une carrière dans l’enseignement. « Ce métier lui colle à la peau à Nicole ! »

Située au nord de Venise, l’île de Murano est le domaine des verriers. Nous assistons au soufflage du verre et au façonnage de divers objets, des vases, des animaux, des bijoux...
Fascinée, je reste à admirer toute cette production. Martine me dit : Viens, tu ne vas pas rester en extase devant toute cette pacotille ! Le motoscafo nous attend !

Là, pour la première fois, elles assistent à une rébellion de ma part. Le motoscafo attendra. Je veux, à tout prix ce morceau de verre bordeaux cerclé d’or...

Nicole