Ma mère nous fait part d’une mésaventure qu’elle a vécue cette après-midi.
Pendant que nous étions tous assis pour nous reposer à l’orée d’un bois, elle s’est retirée discrètement, poussée par un besoin naturel qui réclamait une satisfaction urgente.
Au début du chemin conduisant dans le bois était garée une automobile immatriculée aux Pays-Bas, vide de ses occupants.
Après avoir franchi quelques mètres du sentier qui devait la mener à un proche taillis salvateur, elle s’est subitement trouvée nez à nez - mais l’expression est peut être mal choisie - avec un couple étendu sur un matelas bleu ciel. Il y pratiquait des exercices que la morale, à cette époque, réprouvait hors du cadre restreint, strict et sacré du mariage.
Après une seconde d’hésitation l’homme lui a lancé un « Dâag ! » nonchalant avec un accent d’outre Moerdijk à couper à la scie tronçonneuse.
Tout en poursuivant son devoir qui ne pouvait donc être que conjugal, il a relevé la partie arrière de son pantalon pour soustraire à ma mère la vue plongeante de ses fesses découvertes.
Elle a répliqué par un « Dag ! » tout aussi nonchalant en poursuivant son chemin en quête d’un autre endroit isolé que la nature lui pressait instamment de trouver.
Lorsque, un peu plus tard, elle est repassée devant le lieu de la rencontre inopinée, le couple et le matelas avaient disparu.
Arrivée à l’orée du bois, elle a aperçu la voiture néerlandaise reprenant le chemin de l’exode, coiffée d’un grand matelas bleu ciel, avec peut-être à son bord un petit Batave en voie de gestation.
Elle conclut avec un certain optimisme que même par ces temps sombres de violence et de mort, la vie ne perdait jamais tout à fait ses droits.
Le récit provoque l’hilarité de l’assemblée. Mais il ne m’est pas possible de la partager.
Il y a en effet encore dans ma connaissance du domaine de la sexualité pas mal de zones d’ombre.
Mes parents et mes sœurs, que j’interroge souvent à ce sujet, me dispensent à chaque fois des réponses diffuses qui me laissent totalement sur ma soif de connaissances.
Accompagné de Milda et de Joseph, je me traîne jusqu’au fenil et m’effondre sur un tas de foin moelleux.
Jusqu’à ce jour j’ignorais l’existence et l’odeur de ce fourrage confortable.
De nombreuses personnes se sont déjà installées. Celles qui parlent le font à mi-voix pour ne pas troubler le sommeil que Morphée a distribué à profusion aux réfugiés harassés.
Des ronflements s’élèvent dans la haute cathédrale agricole et se diluent sous l’impressionnante charpente en chêne
Je questionne Joseph, étendu à mon côté, sur l’origine de l’ hilarité qui fut la sienne à la fin du récit de ma maman. Il me prétend avoir ri pour donner l’impression qu’il avait saisi tout le sel de l’anecdote mais qu’en réalité il n’est pas plus informé que moi sur le sujet qui me préoccupe.
A peine ai-je entendu la fin de sa dernière phrase qu’un sommeil lourd me fond dessus comme un hooligan sur un arbitre de football.
Sans le savoir, je viens de goûter aux joies des vacances au grand air.

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