Ce texte fait partie du feuilleton de Suzanne Lire l’ensemble
Sylvie : Suzanne, après 40 ans de vie dans un ministère, on peut dire que tu es une survivante...
Rires...
Suzanne : Oui et surtout que jusqu'à la fin, j'ai gardé mon enthousiasme. Et c'est d'ailleurs pour cela que j'étais mal vue par certains. Mais c'est vrai qu'on nous a quand même mal traités à la fin, du fait des restructurations.
Sylvie : En dehors de cela, quelle difficulté es-tu la plus contente d'avoir dépassée ?
Suzanne : Mon divorce. Je me suis parfaitement bien tirée de cela. J'ai divorcé après 30 ans de mariage quand mes enfants étaient grands et que j'étais déjà grand-mère. Je suis contente de la façon dont ça s'est passé.
Sylvie : Si je te permettais de donner un conseil aux jeunes générations, lequel serait-il ?
Suzanne : J'ai
toujours regretté de ne pas avoir été à l'unif et j'ai
toujours insisté pour que mes petites-filles le fassent car
elles en ont les capacités. Faites ce que vous voulez
faire !
J'ai moi-même beaucoup souffert de la ségrégation entre
personnes ayant fait des études et autres. Moi, je n'ai
été qu'au bout de mes humanités et pour cela j'étais
considérée comme de la gnognotte.
Sylvie : Comment as-tu fait pour sélectionner tes souvenirs dans ton autobiographie ? Quel a été ton fil rouge ?
Suzanne : J'ai voulu surtout raconter à mon fils et ma fille ce qu'ils n'ont pas connu ... et que j'espère d'ailleurs qu'ils ne connaîtront jamais : la guerre, les lessives interminables, la cuisinière qu'il fallait chaque jour vider de ses cendres, les privations,...Sais-tu que dans ma famille, on s'éclairait avec une lampe de 25 watt dans la cuisine ?
C'est pourquoi, j'ai passé beaucoup de temps à décrire le quotidien de la rue du Croissant, les menus,... Et comme ma mère est née en 1905 et moi en 40, je peux témoigner de 100 ans !
Sylvie : Moi, à l'écoute et lecture de ton texte, je n'ai pas ressenti que tu vivais cela comme quelque chose de pénible. J'ai plutôt retrouvé une atmosphère paisible et même un brin de nostalgie.
Suzanne :
Comme beaucoup de gens vivaient comme cela, on trouvait cela
normal...
Mais c'est vrai qu'à l'époque tout était plus
calme. Il n'y avait pas de bruit : pas de voiture, pas
de transistor. Le temps durait plus longtemps. Quand j'ai
demandé à ma mère comment elle arrivait à faire toutes ces
tâches en une journée, elle m'a dit qu'elle faisait
les choses à son rythme, sans chef, sans téléphone, sans TV. L'atmosphère
était moins stressante.
Sylvie : Quel a été le plus grand progrès que tu aies vécu ?
Suzanne : Je vais dire une chose idiote : l'invention du caddy !!
Rires
Sylvie : Ah, ça en effet, je ne m'y attendais pas !
Suzanne : Avant cela, ma mère, qui allait au moins 3 fois par semaine au marché de St Gilles, devait tout rapporter dans des sacs à provisions et des paniers qui pesaient lourd. Cela ne fait que 20-30 ans que cela a été inventé.
Sylvie : Et au niveau social, penses-tu à une avancée particulière ?
Suzanne :
La possibilité de divorcer en lien avec le travail des femmes.
Pour ma mère, c'était inconcevable d'aller travailler
à l'extérieur. D'ailleurs, moi-même, j'ai été
une pionnière : quand j'ai eu mon premier enfant, je l'ai
mis à la crèche. Il fallait voir la tête de la religieuse à
qui j'ai confié mon enfant : je n'avais pas le
profil de l'ouvrière type ! Je tenais à
travailler...sans doute par instinct de survie. C'était
contraire à ce que l'on faisait à l'époque et était
même mal vu mais c'était une façon d'être
indépendante.
IL faut dire que j'ai été une féministe avant l'heure.
J'ai même une fois voté pour le Parti Féministe Unifié.
Sylvie : Quel est selon toi le prochain défi social à mener ?
Suzanne : Pour les femmes, ce n'est toujours pas gagné ! Il y a un plafond professionnel à ne pas dépasser pour les femmes : cela s'appelle le plafond de verre. On les voit très peu à des postes à responsabilités et lors d'un engagement, on leur demande toujours si elles ne comptent pas être enceintes !
Sylvie : Et quel est ton prochain défi personnel ?
Suzanne :
Rester en bonne santé le plus longtemps possible. Voyager aussi,
si mes moyens me le permettent : j'ai encore tant de
choses à voir en Europe et même ici en Belgique. Et lire,
regarder des émissions. Peut-être me remettre à faire de l'aquarelle,
ce que je ne fais plus depuis le décès de ma sœur.
J'ai toujours autant de curiosité intellectuelle.
Michèle, A&T rédac Répondre
Et vous quelles auraient été vos réponses si Sylvie vous avait interrogé ?