Le réveillon de Noël. Je devrais être joyeuse. Je ne le suis pas. C’est la première fois que je suis seule la nuit du réveillon. C’est dur.
Suis-je triste parce que je reviens de chez ma maman ? Chaque fois, la quitter me fait pleurer. C’est encore pire un soir comme celui-ci. Elle, une femme si forte, si dure, si femme « chef », si femme « gendarme", elle est devenue, en si peu de temps une petite vieille, si soumise, si tristounette. Maman, s’il te plaît, fais un effort, tu es une future centenaire alors fais-le bien. J’aimerais tellement te voir sourire, t’entendre rire. Il y a de quoi, encore toujours.
Je suis là. Le soir du réveillon. Seule. J’ai allumé un feu , j’ai ouvert une bonne bouteille de champagne, j’ai préparé un plateau avec les restes d’hier. Ah oui, hier c’était bien. Mon fils est venu avec sa petite famille. On a fêté Noël avec deux jours d’avance mais qu’est ce que c’était bien. Je vous aime tant. J’aime vous avoir avec moi.
J’ai mis un disque. Non, pas de la musique de Noël, je n’ai pas. Du Count Basie. J’ai toute une série de disques de jazz. Stan Getz après ?
Et alors ? Et si j’allais voir Carrefour des Mémoires ? Il paraît qu’il y a de bons articles ? Qui pourraient remonter mon « moral » ? J’y vais.
Et oui, eh oui. J’avais oublié Expo 58. J’avais promis d’écrire un petit mot sur mon expérience Expo 58. J’avais oublié. Et si j’ m’y mettais ce soir ? Pourquoi pas ? Tiens c’est le titre d’un ancien magazine . Qui se rappelle ?
Expo 58. J’avais dix-huit ans. J’étais arrivée à Gand, après six ans de pensionnat. Seule fille parmi des centaines de garçons. Merveilleux. Je « kottais ». Les cours étaient, ou faciles, ou marrants. La vie était plus que belle.
Après quatre mois, j’avais un amoureux. Gust. Il habitait Bruges et faisait la navette entre Bruges et Gand. Mais ... il avait aussi une Vespa !
Ma première sortie avec lui en Vespa a été à Expo 58. Par l’ancienne route. Que c’était bien. J’étais à l’arrière, je m’agrippais à lui et tout de suite j’ai pu, virer à droite, à gauche avec lui. Pas de problème. Mon corps suivait le mouvement. Simple. Oui, pas de problème. Un pur bonheur.
On a pris l’ancienne route entre Gand et Bruxelles. Pour arriver à l’Expo 58. Au Heysel. Je n’avais jamais entendu parler du Heysel avant. L’atomium ! Le pavillon Russe, pas gentil du tout. Le pavillon Américain, super. La foule ! Partout. Je n’avais jamais vu autant de monde ensemble. De la folie. Et la Belgique Joyeuse ! Je ne savais pas. J’ai appris bien plus tard que oui, la Belgique Joyeuse ça existait. Il y avait les hôtesses. Superbes et distantes. Oui, qu’est ce que c’était bien. Une journée de rêve ? Bien plus que ça.
Retour en Vespa. Le même bonheur. Quand Gust m’a proposé d’aller à la Côte d’Azur pendant les vacances de Pâques, en Vespa, je n’ai pas hésité longtemps. C’était oui. Pour Gust ? C’est ce qu’il croyait, lui. Pour la Vespa ? Moi, c’était ça.
Je parle plus de la Vespa que de l’Expo 58 ? Oui peut-être. Mais,encore aujourd’hui je vois de ma chambre, en temps clair, une des boules de l’Atomium. Je ne veux pas qu’on y touche. J’y tiens. En souvenir de ???
Entretemps il est dix heures, le soir du réveillon. Ma bouteille est bien entamée. Je n’ai pas mangé mon dessert. Je dois tenir jusqu’à minuit ? C’est pas possible.
Expo 58. J’avais 18 ans. La vie était belle. J’étais insouciante. J’étais heureuse, enfin je suppose. C’était merveilleux.
Aujourd’hui j’ai 67 ans. Je suis seule. Dois-je vivre de mes souvenirs heureux ? M’en contenter ? Non, je me rebiffe ...
Joyeux Noël quand-même !
celine hage (atomium) Répondre
Chère madame ;
Je vous écris depuis la réception de l’Atomium. Je suis hôtesse d’accueil à l’Atomium, et je suis tombée sur votre article par hasard en fesant une recherche. Votre témoignage m’a beaucoup touché, je suis toujours heureuse d’entendre des histoires de visiteurs de l’expo 58. Nous avons beaucoup de grands parents qui reviennent à l’atomium comme en pélerinage pour montrer à leurs enfants et petits enfants ce qu’ils ont vu il y a 50 ans à l’expo. J’aime toujours échanger des impressions avec ce public-là. Au fur et à mesur que mes jours de travail avancent et que je raconte aux visiteurs tout ce que je sai sur l’expo et sur l’atomium, me vient le sentiment curieux d’être née trop tard. J’aurant tant voulu connaitre tout ça !
Il est bientôt 15 heures, ici ça ne désemplit pas, les visiteurs d’aujourd’huis sont ravis et circulent avec l’insouciance des visiteurs de 58. Des enfants jouent et tournent autour des piliers en métal,l’atomium vit, l’atomium a bientot 50 ans, et il fait beau dehors.
Salim, qui lis ce que j’écris par dessus de mon épaule, me dit de vous écrire ceci : "je suis steward à l’atomium et je vous envoie mes amitiés".
Nous serions heureux de vous accueillir un de ces jours dans l’atomium rénovée. Vous découvrirez que les hôtesses "nouvelle génération" sont des plus sympatiques et seront très heureuses de partager avec vous leurs impressions sur l’atomium.
Voici mon adresse e-mail :
celinepointhage hotmail.com