Pendant plus d’un an, un groupe d’Ages & Transmissions a réfléchi et témoigné sur la valorisation de retraites actives, créatives et utiles. Un livret sera bientôt imprimé.
Les débats les plus vifs se sont focalisés sur les valeurs liées à l’âge et plus particulièrement sur les valeurs tierces en référence au troisième âge, expliquées par Maximilienne Levet dans son livre "Les valeurs de l’âge" aux éditions Erès. L’auteur transforme les réductions de vitesse, de force et de consommation en acquis et donc en valeurs positives de lenteur, de faiblesse et de frugalité dont la société actuelle aurait le plus grand besoin.

Certains les reconnaissent avec lucidité et y adhèrent avec ...énergie, d’autres les rejettent avec ...force !

C’est dans l’enfance que l’on commence à prendre conscience des valeurs que l’on remet parfois en question à l’adolescence et que l’on consolide à l’âge mûr pour en profondément modifier quelques unes à un âge avancé.
L’ensemble des valeurs que l’on porte constitue, il me semble, son identité, que la vie oblige à reconstruire et reformuler constamment face aux évènements.

Ce qui m’interpelle plus particulièrement ce sont les valeurs physiques comme la vitesse et la force qui semblent être des valeurs universelles propres à la jeunesse et qui vont fortement varier au cours de l’existence au point de s’inverser. Certes l’évolution sera lente et n’est pas perceptible journellement, mensuellement ou annuellement mais c’est après une, deux ou trois décennies suivant la retraite que les modifications irréversibles apparaissent.

C’est un fait, l’individu devient alors plus lent et plus faible et aussi conséquemment plus frugal.
Comment cela est-il accepté ?

Très mal ou avec philosophie ?

Si, dans une réunion de seniors on parle de la lenteur, de la faiblesse, de la frugalité comme valeurs de la vieillesse, de nombreuses voix s’élèvent pour contester.
Et pourtant. !
Même si chez les seniors, les disparités d’âge sont relativement grandes (plusieurs dizaines d’années parfois) il n’empêche que les effets de l’âge se manifestent pour tous .avec plus ou moins de conséquences. Certains peuvent supposer que chez eux les effets sont minimes c’est peut être le cas actuellement mais pas plus que le citoyen lambda il n’y échapperont..
Chacun devra s’engager dans des réaménagements intérieurs pour incorporer les effets du vieillissement qui se manifestent par des désengagements dont la retraite constitue l’exemple type. D’aucuns y échappent momentanément, mais pour la plus part, la retraite constitue un réajustement important de la manière de vivre, même si à ce moment la vitalité est encore souvent entière, les prémisses du vieillissement apparaissent.

Petit à petit, les années passant on devient moins rapide, plus faible on diminue certaines activités fatigantes, on change de rythme .On prend conscience de ce nouvel état des choses : certains sports sont abandonnés au profit d’autres moins fatigants, on ne va plus si loin en voyage, on s’adonne à des activités moins stressantes, plus « cool », des déficits physiques surgissent

Heureusement il n’y a pas que des aspects négatifs !

Tant que l’individu conserve son appétence de vivre, et ne veut pas se désengager, il va se reconstruire et reformuler son identité.

En admettant sa faiblesse et sa lenteur ,il peut aussi prendre conscience que la faiblesse a des avantages ,que notamment ,elle l’oblige ,pour compenser , à davantage se servir de son intelligence,de persuasion , de connaissance de l’autre pour sortir d’une situation difficile qu’en soit elle devient une valeur. Il en est de même de la lenteur qui permet de donner du temps au temps , à la réflexion, à l’appréciation du moment présent ,au jugement réfléchi .pour l’individu concerné ce n’est plus un déficit ,mais c’est devenu ,par une stratégie d’adaptation, une nouvelle valeur . A ces deux valeurs, il faut associer la frugalité qui implique un usage mesuré de l’argent et du consommable mais aussi du temps ce qui n’exclut pas d’apprécier la qualité et les saveurs.

C’est ainsi qu’un individu au cours de son existence et pour autant qu’il atteigne la vieillesse est amené à inverser certaines valeurs comme la vitesse, la force, le consumérisme, en leur contraire. C’est ainsi aussi que dans la société des valeurs contraires coexistent et que leur importance est fonction de pyramide des âges.

Jean Piron
85 ans


6 commentaires Répondre

  • mous(FIJ) Répondre

    Bonjour Monsieur Piron, votre article m’a ému et m’a vraiment touché. Moi, je suis âgé de 28
    ans. En lisant votre article, je me voyais dans une trentaine d’années. Je constate qu’on est jeune qu’une seule fois, mais on ne connaît vraiment pas la chance qu’on a. Mais la vieillesse ne me fait pas peur, au contraire, c’est une étape de la vie que toute personne doit impérativement subir. Pour moi, une personne âgée, c’est quelqu’un de sage, de serein et de calme. Ce sont des modèles pour nous les jeunes. On doit en tirer des leçons. On doit les soutenir, les aider, les accompagner. Et surtout ne pas les laisser dans les oubliettes, seule en attendant la fin. C’est la seule chose que je n’aime pas chez la plupart de nos jeunes, c’est qu’ils sont tellement occupés à penser à eux et à leur avenir qu’ils en oublient même leurs aînés.
    Alors que sans eux, nous ne serions jamais là.

  • Jacqueline Bouzin Répondre

    Merci, Jean, pour cette étude lucide et optimiste des changements induits par l’âge. Effectivement,l’adaptation au cours de la vie est incessante et le "lâcher prise" se révèle plus nécessaire lorsque les forces diminuent...Mais, quelle joie de trouver chez certains seniors cette écoute indulgente et cette spiritualité que la jeunesse ne pratique pas souvent, tellement prise par la carrière, le couple, les enfants...

    En tout cas, cher Jean, j’espère vieilir avec autant de vigueur intellectuelle et morale que toi. Sois heureux en cette journée. Jacqueline.

  • Françoise V. Répondre

    Dans votre réflexion, d’ailleurs très intelligemment structurée (bravo ! pour l’agilité neuronale) une condition m’interpelle : "Tant que l’individu conserve son appétence de vivre"... Comment conserver cette appétence quand justement tant de choses s’enfuient autour de vous, s’éteignent en vous ?

    Françoise

    • jean P Répondre

      Réponse à Françoise

      Si ,comme il me semble, la vie est en changement constant ,l’appétence de vivre ne peut y échapper ; il suffit de se rappeler ce qu’était notre appétence de vivre à 20ans ,à 40ans voir 60 pour prévoir qu’elle se sera aussi modifiée à 80 ans .Certes,l’âge a passé ,les plaisirs ;les sens, se sont émoussés L’appétence à vivre ,qui est une projection vers l’avenir ,s’est atténuée mais reste présente , même diminuée et différente elle offre toujours des plages (certainement réduites)ou l’individu trouve encore des raisons de satisfaction et de contentement et pourquoi pas... d’émerveillement et ce même , si par ailleurs ,des choses s’éteignent en nous .Jusqu’au moment ou ....

      Jean P

  • anne marie Répondre

    Vu et Expliqué comme ça, Jean, je suis tout à fait d’accord. Merci.

  • fernand Répondre

    Monsieur Piron,

    Bien que seize ans plus jeune que vous j’adhère complètement à votre excellente analyse de la problématique de l’âge avancé. Je trouve particulièrement juste quand vous faites le parallèle entre les différentes mutations et adaptations de toute une vie. Passer de l’enfance à l’adolescence et ensuite à la vie d’adulte demande également des adaptations. Nous en sommes chaque fois conscients mais nous manquons dans ces tranches de vie souvent d’expérience et surtout de patience. Ces deux qualités nous sont évidemment plus accessibles maintenant.
    Pour ma part, j’ai vécu ma sortie de carrière professionnelle avec des sentiments souvent contradictoires. D’une part, j’étais désemparé d’avoir perdu mon statut social et surtout relationnel. D’autre part, je jouis d’une liberté d’expression comme jamais auparavent. Je peux choisir mes activités sans contraintes sociales mais doit accepter une diminution dans la durée.

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