55 ans. Pour les plus anciens, 55 ans qu’ils sont là à mes côtés, que je les vois sans les voir. Ils ont survécu aux déplacements, aux déménagements, à l’indifférence, aux manipulations. Ils ont évité les brocantes et les vides grenier. Je les ais comptés : ils y en a trente-cinq de formats différents, petits, moyens et grands. Ce sont les livres de mon enfance. Certains ont gardé leur couverture en papier glacé aux dessins colorés pour protéger la couverture principale, la belle, celle dont on faisait très attention de ne pas tâcher, de ne pas écorner.
La comtesse de Ségur née Rostopchine est la plus gâtée. On la trouve en rouge et en jaune. Bien sûr la couverture rouge est la plus jolie avec un dessin en forme de blason surmonté d’un petit ange. Sur le dessus, incrustée en lettres dorées on lit « Bibliothèque Rose Illustrée », puis au milieu des volutes : le titre du livre et en bas dans une forme en demi lune « Hachette » .
Quand j’étais petite je ne pensais pas à l’éditeur, je croyais que le livre me disait ; « Achète-moi ».
Voilà des années que je ne les ai feuilletés.
Dans un, à la seconde page, une écriture manuscrite, celle de ma mère et je lis : "A ma petite fille pour ses 11 ans". Le livre s’appelle "La Famille Hurluberlu" et est écrit par une certaine Magdeleine du Genestoux.
Qui était cette dame avec un nom aussi pompeux qui nous raconte une histoire d’enfants bien élevés, polis et obéissants qui partent en vacance chez leur tante ? Apparemment, elle n’a pas laissé de traces dans la littérature contemporaine ! Je n’en reviens pas qu’à 11 ans j’arrivais à comprendre ce vocabulaire. Suis-je toujours sur la même planète ?
Dans un autre, intitulé « Pauvre Blaise » la Comtesse de Ségur née Rostopchine ,toujours elle, dédit son livre à son petit fils et écrit : « Cher enfant, voici un excellent garçon, sage et pieux comme toi, qui te demande une place dans ta bibliothèque. Tu ne repousseras pas sa prière et tu lui donneras un poste de faveur en l’honneur de ses vertus et de ta grand’mère. »
C’est touchant et risible à la fois car je ne me vois pas écrire ce genre de choses à mon petit-fils ! Il faudrait lui en expliquer chaque mot. Soudain je pense tout à coup que moi aussi je ne comprends rien au vocabulaire des SMS. Suis-je aussi touchante et risible ?
Et puis il y a aussi dans leur couverture ivoire et dessins noirs, la série des Contes et Légendes : « L’Iliade et l’Odyssée, l’Egypte ancienne », les Contes et Récits : Molière, Corneille, Racine. Tout ce théâtre en vers retranscrit en prose pour le plus grand plaisir des tricheurs dont j’étais lorsque en classe l’on nous demandait une explication de texte.
Enfin quelques livres de la collection rouge et or dont celui que je préférais entre tous : « Les contes des Mille et une Nuits ». J’aurais voulu être cette princesse Scheherazade douée d’une mémoire si prodigieuse qu’elle savait enchaîner des récits merveilleux pendants mille et une nuits.
Est-ce que les enfants d’aujourd’hui rêvent encore de princesses, de trésors enfouis dans des îles inconnues, d’animaux qui parlent ?
Et mes livres si précieusement gardés auront-ils après moi encore une vie ?
3 commentaires
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jeannineK Répondre
chères Claude,
je découvre votre texte tardivement
il n’est jamais trop tard pour y répondre
vous partagez le même amour pour vos livres d’enfance
j’en possède moi même plusieurs que j’adore
tout particulièrement des livres illustrés de Desclée De Brouwer
je me souviens aussi les avoir lu et relu
mes petites filles ont une quantité incroyable de livres, non pas des histoires de prince et princesse, mais des aventures, des mystères, de la magie
le choix restreint de notre époque fait sans doute que nous relisions plusieurs fois, avec le même plaisir ce que nous avions sous la main ;
Aujourd’hui j’en doute
merci en tout cas pour ces jolis souvenirs d’enfance
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Claude (FIJ) Répondre
Bonjour Claude... c’est une autre Claude qui vous répond 🙂 Pas fréquent, n’est-ce pas ? Premier point commun d’une liste dont certes je ne compte pas les éléments mais qui m’a donné l’envie de vous écrire un petit message. J’ai aimé votre texte qui m’a replongée dans mes années Comtesse de Ségur. J’ai, moi aussi, gardé mes livres d’enfance. Ils ont survécu aux manipulations pas toujours très douces de la petite fille que j’étais. Ils ont supporté les doigts chocolatés et les pouces mouillés de salive. Ils ont résisté au "croquage" des couvertures avec une souplesse digne d’un gymnaste russe. Et ils m’ont suivie dans mes (très) nombreux déménagements.
Et s’il en est un qui a une place de choix dans mon coeur de petite-Claude-de-10-ans, c’est le récit intitulé "Histoire de la princesse Rosette" qui figure à la fin du Tome III des Malheurs de Sophie : "Les "Vacances". J’ai dû lire cette histoire 100 ou 200 fois... Je ne me lassais pas d’imaginer les habits de rêve que revêtait la jolie Rosette.
Alors, je pense que oui, les petites filles d’hier, d’aujourd’hui et de demain ont et auront encore longtemps les mêmes rêves de fées et de princesses simplement parce que c’est aussi ça l’enfance...Amicalement,
Claude D.
lucienne E. Répondre
Nos petits enfants ont accès à internet et toutes ses richesses de découvertes immédiates. Garderont-ils dans leurs souvenirs quand ils seront à la retraite toutes ces émotions que vous décrivez tous si bien et que je partage de tout mon coeur ? Cette offre surabondante permettra-t-elle l’ancrage des émotions ressenties ? Tout va si vite maintenant. Ma bibliothèque était surtout constituée de livres reçus à la distribution des prix en fin d’année scolaire.La comtesse de Ségur y avait une place de choix. Je les ai lu des dizaines de fois avec une préférence pour "un bon petit diable", "les vacances" et "les malheurs de Sophie". J’attendais aussi avec impatience le facteur qui me déposait chaque semaine mes magazines : Spirou, Pilote...Plus tard à l’adolescence, mon coeur a chaviré pour la collection du "chevalier de Maison-Rouge". Je ne sais pas si j’ai aimé l’Histoire à cause du chevalier, mais il y a contribué, j’en suis sûre !Waouw,c’est bon de repenser à tout cela ! Lucienne E.