Quand un publicitaire commence son service militaire ...
Fin 1952,la perspective de partir au Service Militaire m’était insupportable.
L’armée, c’était tout ce que je détestais d’instinct. Mais aussi par réflexion.
A mes yeux, la Belgique - petit pays artificiel de deux peuples désunis par deux langues et deux mentalités différentes - n’avait rien à gagner mais, au contraire, tout à perdre dans des conflits internationaux.
L’armée belge de 1940 - mis à part une intervention de 18 jours qui avait coûté la vie à des dizaines de milliers de jeunes et handicapé autant de familles malheureuses - avait déposé les armes sans gloire et vu ses pauvres soldats partir en captivité pour 5 longues années.
« La Suède, la Suisse, l’Espagne, le Portugal et j’en oublie, se sont tenus à l’écart de ce conflit mondial. Qui leur en a voulu ? Qui même leur en a tenu rigueur ? Les a-t-on mis au ban des nations ? Alors ??? ».
Tout cela au nom du devoir !
Perdre 2 ans pour une pareille connerie, dans un service qui ne rendrait service à personne, me paraissait le comble de l’absurde ! De plus, je ressentais une intime lâcheté quand j’entendais que d’autres, fidèles à leurs convictions, partaient en chantant vers la prison pour refus d’obéissance aveugle à des ordres imbéciles. C’était tout l’honneur et la dignité courageuse des objecteurs de conscience.
Le moral dans les chaussettes, le 1er décembre 1952, j’embarquai dans le train pour un long voyage aux multiples arrêts, jusqu’à Stockem, près d’Arlon, où se trouvait la caserne, siège de l’Ecole des Officiers de Réserve chargée de mon instruction.
A mon grand étonnement, au lieu d’y côtoyer des militaires rudes et mal dégrossis, j’y rencontrai des officiers d’une grande courtoisie, empressés auprès des recrues de bonne famille, d’un contact agréable.
Dès le 2ème jour j’obtins, contre toute attente, un rendez-vous avec le colonel qui dirigeait ce centre, afin de lui exposer mes griefs.
Jamais, au grand jamais, je n’avais accepté de devenir officier des blindés et je refusais à présent de suivre les cours conduisant à l’obtention d’un grade quelconque.
Loin de se fâcher au terme de mon argumentation, exposée d’un ton sans appel, le militaire se rendit à mes raisons et me demanda aimablement d’attendre le 20 décembre, date à laquelle les candidats officiers bénéficiaient d’une permission de 15 jours englobant les fêtes de fin d’année. Cerise sur le gâteau, il me dispensa de suivre les cours et me proposa d’organiser les deux soirées d’animation, celles du 6 et du 19 décembre qui clôturaient l’année.
Il avait décelé en moi, disait-il, une inaptitude totale au service militaire mais, en revanche, un talent caché pour le divertissement.
Chargé de mission par cet homme clairvoyant, je me sentis des ailes et m’enquis de tous les dons que cultivaient mes compagnons de chambrée.
Je ne fus pas déçu : l’un était pianiste amateur, un autre s’essayait à la chanson, le troisième était un jongleur pas trop maladroit et bibi - oui, n’oublions pas bibi - n’avait pas son pareil pour dérider une assistance de ploucs, pas regardants sur la qualité de l’humour !
La boisson aidant, le 6 décembre, la fête de la caserne mit tout le monde de bonne humeur et j’eus même droit aux compliments du colonel, pas rancunier bien que, dans mes interventions pas piquées des vers, je fis passer à l’armée en général et aux militaires en particulier un drôle de quart d’heure.
lorenzo Répondre
La Belgique voulait rester neutre en 40 mais elle n’a pas eu le choix.