Quelqu’un m’a dit : raconte moi la première fois !
Je vois briller ses yeux. La question est provocatrice.
Je m’interroge. Comment vais-je m’y prendre ?
La première fois ? Eh bien oui, je m’en souviens avec nostalgie. Toujours avec extase !
Elle fut exaltante et merveilleuse. En somme très réussie !

J’avais 16 ans, j’avais la naïveté et la fraîcheur des jeunes filles des années 1950. Il fallait tout m’apprendre. J’attendais ce jour toute frémissante. J’en rêvais depuis longtemps, je l’aimais Il était beau, il était grand. Et il m’ouvrait ses bras ! J’étais traversée par une indescriptible émotion. J’étais passionnée, je me suis donnée entièrement.
C’était ma première expérience ... sur les planches du théâtre amateur !
A la salle Patria, rue du Marais.

Au levé de rideau j’étais seule en scène. Le silence tout à coup après l’agitation suscitée par l’arrivée du public, l’immensité de la salle dont je sentais la respiration mais que les projecteurs m’empêchaient de voir. Mes premières répliques furent suivies de réactions positives ; le public partageait. C’était gagné !

Vivant dans une famille branchée théâtre, où les conversations étaient très souvent alimentées par les commentaires à propos d’un spectacle, par la lecture d’une pièce, la découverte d’un auteur, d’une interprétation exceptionnelle à la radio, mon souhait numéro un était bien sûr de me lancer moi aussi dans cette aventure. Ma jeunesse, ma spontanéité et la justesse de ton sans doute ont séduits les personnes, déjà confirmées dans la pratique du théâtre amateur, qui me firent faire la première lecture. A 16 ans on n’est pas tout à fait conscient de l’enjeu ; on se sent sûr de soi, sûr de faire le bon choix, pas impressionné du tout par ces adultes qui vous jugent. La mémoire est bonne, les longs textes ne font pas peur. Une comédienne débutante a trop souvent le sentiment qu’au plus long est le texte, au plus intéressant est le rôle. (J’ai appris à me méfier des longs textes et à apprécier la chance de pouvoir défendre un petit rôle en le distillant comme du nectar.)
Cette assurance candide disparut quand enfin arriva l’épreuve du feu. La première représentation me donnait tout à coup la dimension du risque que je prenais : le trac, la hantise du trou de mémoire, les entrées les sorties au bon endroit au bon moment, la réplique ni trop rapide ni trop lente. L’obligation de se déplacer de façon naturelle, d’utiliser les accessoires à bon escient.
Rattraper adroitement une partie du texte négligée par le partenaire, combler un « blanc » inattendu, faire face aux impondérables tels que la porte du décor qui s’ouvre à l’envers, le coup de feu qui n’explose pas, la sonnerie qui suscite la réplique et qui tarde à se faire entendre, le comédien qui entre du côté opposé ou on l’attend, la lumière qui doit s’éteindre et qui brille de tous ses feux.
J ignorais tout ça la première fois que je suis montée sur les planches mais très vite les évènements se sont chargés de m’instruire. Les spectateurs ont continué à ne voir que du feu, c’était donc l’essentiel. .
Quand j’évoque la première fois, je dois aussi reconnaître que lorsque les applaudissements ont retenti, mon cœur a bondi dans ma poitrine et qu’enfin je savais que je trouverais mes plus grandes joies dans cette activité enrichissante, exigeante mais tellement passionnante.
Elle a duré dix ans, 10 années de bonheur !

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