Extrait de "Nous racontons notre vie" 2023-24
Je suis née en 1961, à Prague, mais je suis roumaine. Je suis arrivée en Belgique à 32 ans.
J’ai grandi en Roumanie, durant la dictature de Ceausescu, mais, enfant, on ne sentait pas que c’était la dictature. C’est à l’adolescence que la vie est devenue très rude. À la télévision, il y avait beaucoup de chants patriotiques et de propagande. Il y avait de l’espionnage via les services secrets. Beaucoup d’opposants se retrouvaient en prison. On avait déménagé dans un quartier où habitaient beaucoup de prisonniers qui sortaient de prison. On ne pouvait plus se grouper dans la rue. J’ai fait des cauchemars jusqu’à mes 30 ans. L’hiver, il faisait moins de 20°, il n’y avait pas de chauffage. Le gouvernement faisait des restrictions de gaz pour ne pas dépendre de la Russie. On avait très peu à manger. Il y avait aussi beaucoup de viols et d’agressions dans la rue, la nuit, parce qu’il n’y avait pas d’électricité et que les rues étaient sombres et dangereuses.
C’est à cause de cela que j’ai eu envie d’émigrer. Ma sœur et moi, à la révolution, avons obtenu un passeport, mais pas de visa. Plus tard, ma sœur a reçu un visa de la Belgique et, lorsque j’ai eu 32 ans, je l’ai rejointe.
J’ai eu rapidement une très belle expérience avec la Belgique. J’ai tout de suite travaillé dans un bureau d’architecte. J’aime beaucoup la langue française. En Belgique, je trouve une tolérance que j’aime beaucoup, je sens qu’il y a un intérêt, une curiosité saine envers les autres cultures. Mon immigration m’a permis de connaître d’autres personnes venues de différents pays.
Ce qui me manque, ce sont la langue et la cuisine de mon pays natal. Je ressens aussi un peu la nostalgie de la campagne de mon enfance. Un souvenir d’enfance marquant ? Quand nous passions les 3 mois de vacances d’été à la campagne, chez la tante de ma mère. Je me souviens des rivières, des collines et des cascades. On aidait à la ferme, ma sœur et moi. On s’amusait avec les enfants du village. On allait à la cueillette des framboises, des champignons et, à la fin des vacances, nous rentrions à la ville avec un grand panier rempli de fruits.
Mais je n’apprécie pas la mentalité de mon pays, la corruption et le machisme ambiant.
Je n’ai plus personne en Roumanie, sauf quelques cousines. Mes parents, qui avaient émigré en Hongrie, sont venus en Belgique à la fin de leur vie et sont décédés à présent. Ici, je ne recherche pas la compagnie d’autres Roumains. Ils s’intéressent trop à l’argent, me demandent combien je gagne. Je ne me sens pas proche d’eux.
Ce que je n’aime pas en Belgique ? Les longs mois de pluie !