Extrait de "Nous racontons notre vie" 2023-24
Présentation
Je suis né pendant la guerre, en 1943, à Bruxelles. Ma mère n’était pas faite pour avoir des enfants et elle m’a eu, pendant la guerre, contre l’avis de tout le monde. J’ai grandi dans une famille déchirée entre résistants et un grand-oncle qui avait été collaborateur. Mes parents faisaient partie d’une secte extrémiste protestante. Ils se sont peu occupés de moi ; ils ne pensaient qu’au travail, à l’argent et à l’ascension sociale.
Mes grands-parents, un pilier de vie
C’est mon grand-père et ma grand-mère maternels qui ont été mes piliers dans la vie. Si je suis ce que je suis, c’est grâce à eux. Ils ont été mes éducateurs, mon havre de paix, et m’ont appris l’Amour vrai, de cœur à cœur.
Mon grand-père maternel était très marrant. Quand il était enfant de chœur, il faisait des blagues au curé, comme mettre des poissons dans l’eau bénite. Il apprenait à dire des jurons au perroquet du médecin. Ce grand-père était très anticlérical, même s’il avait grandi dans une famille très catholique. Je ne sais pas qui je serais devenu sans lui. Au fil de mes jeunes années, il m’a appris à toujours relativiser sans juger personne. Ainsi, sans qu’il s’y oppose, son épouse, un jour, est devenue membre d’une secte protestante. Ma mère, ma sœur et moi l’y avons suivie. Dans une moindre mesure, mon père. J’ai été élevé dans cette secte. D’ailleurs, à 16 ans, on voulait que je devienne évangéliste en Afrique, ce que je ne voulais pas.
C’étaient les mêmes règles que chez les Juifs et musulmans. Je n’allais pas à l’école le samedi matin, car à l’église, le samedi était le jour de repos. Dans cette église radicale, on m’a lavé le cerveau. Je pensais que je devais convertir les gens pour qu’ils n’aillent pas en enfer. Chez les protestants, les péchés ne s’effacent pas, il n’y a pas de confession. Avec la religion, j’ai appris à me dépasser, car il fallait tout le temps viser la perfection. Heureusement, J’allais aux scouts, même si c’était interdit par l’église radicale que je fréquentais. Cela m’a apporté beaucoup.
Quand mon grand-père est mort, j’avais 18 ans, cela a été un drame pour moi. Il me disait « il ne faut croire personne ». Fais ton opinion par toi-même, lis, étudie et informe-toi ! » Ainsi je suis devenu très sceptique dans la vie, je doutais de tout.
Je me suis libéré de la religion
Après avoir échoué dans des études de médecine, je me suis engagé dans l’armée, contre l’avis de mon père. Rejeté par ma famille, je suis parti pour l’Allemagne. L’armée m’a ainsi donné l’occasion de fuir.
J’ai vécu l’armée comme un terrain de liberté par rapport à ma vie d’avant, c’était pour moi un prolongement du scoutisme que j’avais beaucoup aimé.
La méthode scientifique à laquelle j’avais été confronté à l’université m’a aussi influencé dans mes croyances. Aujourd’hui, je crois que je suis une petite poussière dans l’univers. Je m’invente mes propres règles, celles du vivre ensemble. J’ai éduqué mes enfants à essayer de trouver par eux-mêmes des solutions, même si j’ai toujours été prêt à les écouter et à les conseiller. J’ai transmis aussi à mes enfants le sens du travail. Si tu veux être libre, ne dépends de personne ! C’est la seule chose que mon père m’a vraiment transmise. Mais une différence avec mon père, c’est le fait que j’ai donné de l’affection à mes enfants, je les serre contre moi et les embrasse.
Je me suis libéré de la religion.
Dans les religions, on impose des règles que les gens suivent pour mériter l’au-delà. Aussi parce qu’ils ont peur de ce que les gens vont penser d’eux. C’est hypocrite. Je ne supporte pas que la religion impose des morales. Ma spiritualité, c’est de m’investir dans des actions. En faveur de l’avortement, par exemple et pour l’émancipation de la femme. J’ai participé à plusieurs manifestations. J’ai aussi milité en faveur de l’euthanasie. Je suis pour la laïcité, celle qui nous permet de vivre ensemble, riches de nos différences. Je suis un anticlérical.
Je pense que les religions sont dirigées par des humains et non par Dieu. Comment un Dieu mettrait-il au monde des êtres humains pour les faire souffrir ? Et comment choisir qui va au paradis ou pas ? Je pense que ce sont les humains qui ont construit Dieu à leur image. L’être humain oublie trop que ses jours sont comptés et que l’humanité est vouée à disparaître. L’homme devrait avoir la sagesse de comprendre qu’il ne sait que très peu sur l’origine du monde et son devenir.