Extrait de "Nous racontons notre vie" 2022-23
Je suis française, née en 1953. Je viens d’une famille catholique traditionnelle et, globalement, j’ai bien vécu comme femme. Je n’ai pas vraiment ressenti de discrimination entre les filles et les garçons, mais il y avait quand même des différences. Par exemple, les filles lavaient tous les jours la vaisselle alors que les garçons sortaient juste les poubelles, une fois par semaine !
J’ai été influencée par la vie de notre famille et j’ai moi aussi voulu fonder une famille, mais pas aussi nombreuse que la mienne. J’ai rencontré mon mari belge lors d’un voyage et, une fois installée en Belgique, j’ai travaillé pendant 2 ans. Ensuite, on s’est mis d’accord pour que je reste à la maison m’occuper des enfants, car il avait un travail stable. C’est un choix qu’on a fait ensemble.
Au bout de quelques années, il a commencé à beaucoup voyager pour son travail et je l’ai moins bien vécu. J’ai alors voulu reprendre des études. Mon mari m’a soutenue et aidée.
A partir des années 2000, j’ai travaillé dans un centre de planning familial. Mon travail consistait à parler avec les jeunes d’amour et de sexualité. Quand cette occasion s’est présentée, j’ai voulu d’abord faire un essai, car je n’avais jamais imaginé faire ce métier. Cela m’a intéressée et j’y suis restée. C’était parfois stressant, car comme c’étaient des sujets intimes, je craignais de ne pas assez bien écouter ou orienter ces jeunes. Je partais de leurs questions. Il y avait des questions fondamentales sur le sens de la vie, de la relation. Les jeunes étaient touchants, parfois provocants, mais je ne me suis pas trop mal débrouillée. Mon âge et mes cheveux blancs, arrivés rapidement, rassuraient peut-être et mettaient en confiance.
Je me souviens d’un jour où j’étais à l’accueil. Une jeune fille s’est présentée à moi et m’a posé des questions sur la contraception. Un jeune homme l’attendait dehors. Je lui ai proposé de le faire entrer. On a eu à trois une vraie discussion, j’ai pris du temps avec eux, je leur ai communiqué des informations sur le cycle féminin qu’ils connaissaient mal. Ils m’ont posé beaucoup de questions et ont manifesté tous les deux un grand intérêt. À la fin, ce jeune homme m’a remerciée : « À l’école je n’écoutais pas ces informations, car j’avais trop honte ». Cela m’a gratifiée, je me suis sentie utile. Ce jeune homme avait compris, suite à notre discussion, que choisir d’avoir des relations et penser à ce que cela implique (par exemple le choix d’une contraception) ne concerne pas seulement la femme, mais que c’est aussi la responsabilité de l’homme.
Lorsque j’étais jeune, je m’étais dit que je voulais aider les jeunes à découvrir leurs potentialités. Et j’ai essayé de le faire dans mon métier même si c’était dans un tout autre domaine que ce que je pensais au départ.