Le lundi, c’est le jour de lessive.
Dans les années 50, la lessive est une des activités ménagères les plus importantes après la cuisine. Une journée pleine, que maman commence à 5h du matin, aidée de « la femme à journée » et plus tard, de celle de mes soeurs qui aident au ménage. Chaussée de ses grandes bottes noires en caoutchouc, son tablier muni d’une poche pour y mettre un grand mouchoir destiné à s’essuyer le visage dégoulinant dans la vapeur de l’eau qui bout, maman est prête pour sa plus longue journée de travail de la semaine.
La buanderie est une annexe dans la cour. D’abord, on met de l’eau à bouillir dans un grand chaudron posé sur un fourneau à bois, dans le fond de la buanderie. Il faut « défaire les lits » de leurs draps, prendre le linge entreposé dans un tonneau en triplex dans la salle de bains au 1er étage, et descendre le tout dans la cour. Lorsque l’eau est bouillante, on y verse du savon, on y plonge les draps de lit en les enfonçant dans l’eau avec une grande pince en bois. Il n’est pas question de se brûler, ce travail est réservé à maman, car c’est dangereux : monter sur un marchepied pour remuer le linge de temps en temps.
Pendant ce temps, le linge restant est trié, en tas, dans la cour : le linge de corps, le linge de ménage, les cotons clairs (les robes, chemises et chemisiers), les cotons plus foncés, « les bleus », (salopettes et pantalons gris), et puis les tissus délicats : la soie et les lainages. Ces différents tas passent dans la grande cuve, les uns après les autres, en fonction de la température de l’eau qui descend au fur et à mesure.
Ensuite le linge sorti de cette cuve est placé dans la lessiveuse électrique à palettes (sorte de broche qui brasse le linge), un grand tonneau en bois cerclé de métal, sur pied. Une grande roue garnie d’une courroie sur le côté lance le mouvement. Le linge est ensuite retiré de cette lessiveuse, bien essoré avec les mains avant de le placer dans une tine une bassine) en zinc pour le rinçage. Il passe alors dans l’essoreuse centrifugeuse électrique, qui a utilement remplacé l’essoreuse à deux cylindres en caoutchouc, actionnée par une manivelle.
En été, les draps de lit sont étendus sur la pelouse, pour supprimer les dernières taches et garder la blancheur. Le reste du linge est pendu aux fils dans le jardin, dans le grenier par mauvais temps. Pour garder le linge blanc, on le plonge aussi dans du bleu de méthylène. Il faut amidonner les cols et les poignets des chemises et chemisiers. Quant au washoteur, cette cloche en métal avec un ressort, au bout d’un manche pour la tenir, il sert à brasser le linge délicat.
Cette journée de travail se termine vers 19 h, tout le linge étant rassemblé dans les mannes en osier, bien plié… prêt à être repassé.
Les après quatre heures de la semaine sont réservées au repassage, et à maman, qui en même temps, surveille les devoirs des petits. J’ai connu les fers à repasser en fonte avec une poignée en métal à mettre à chauffer sur la cuisinière à charbon. La planche à repasser (sans pieds) est suspendue entre la table et une armoire ; on repasse les pièces plates sur la table recouverte d’une « couverture à repasser ». Le linge ayant eu le temps d’être bien sec, il faut l’humecter avant de le repasser.
Dans une famille composée de 8 filles et 3 garçons, repasser des robes avec des nids d’abeille, des cols en dentelle, des chemises aux cols amidonnés, des jupes plissées, des pantalons en laine à repasser à la pattemouille, tient carrément de la gageure. Voilà un travail ménager que j’ai eu l’occasion de prendre en horreur ! Par contre, j’ai gardé le plaisir de pendre le linge dans le jardin. J’y mets le raffinement de regrouper les pièces par genre, ou par couleur. Il va sans dire que les machines électriques automatiques, et maintenant électroniques, les centrales vapeur et les textiles indéfroissables, ont changé la vie mais quelles contrariétés elles peuvent provoquer quand elles tombent en panne !
