Extrait de "Nous racontons notre vie" 2020-21

Enfance et adolescence

Je suis née à Tanger, en 1956, mais je suis espagnole. Après la guerre civile en Espagne, en 1936, mes grands-parents sont partis à Tanger. J’y ai vécu 10 ans avant d’arriver en Belgique. Je n’ai jamais parlé l’arabe.

Avec ma maman, on allait parfois chez une de ses amies qui avait la télévision. On regardait le film « Le Saint ». Moi j’étais contente, avec Simon Templar, si beau ! Puis c’était les Incorruptibles. J’adorais ! Un jour, quand nous sommes rentrées à la maison, tous les gens étaient dehors en pyjama : il y avait eu un tremblement de terre et nous, nous n’avions rien remarqué !

J’aimais beaucoup l’école des sœurs. Un jour, on allait en classe et j’ai été bousculée. Je suis tombée et on m’a transportée au secrétariat. Dans cette école il y avait une chapelle. Pour me réconforter, on m’a donné du vin de messe. C’était très bon. J’avais envie d’encore tomber pour recevoir encore ce vin.

Mes parents étaient séparés. J’évitais de me mêler de leurs conflits. Je voyais mon père rarement. Il me disait qu’il allait venir, j’étais heureuse, je ne le montrais pas à ma maman. Et puis mon père ne venait pas. J’étais triste mais je ne voulais pas le montrer à ma maman. C’était très difficile. Ça a marqué un peu ma vie d’adulte : aujourd’hui, quand j’ai un rendez-vous ou quand j’attends quelqu’un, je suis malade d’angoisse de peur qu’il ne vienne pas.

Être femme

Les choses de l’amour ? Je ne voulais pas que ma mère ou mon beau-père m’en parle, j’aurais été dégoûtée. Alors c’est vraiment avec les filles de l’école que j’ai appris. Je trouve qu’un homme c’est important dans la famille surtout pour les enfants. L’amour de mon père m’a manqué énormément.

Je me suis mariée pour quitter ma famille. C’était un Sicilien qui me tapait. Et je l’ai quitté. Ma mère ne m’a pas mise au monde pour être battue ! Une fois, j’ai mis un calmant dans sa soupe mais j’ai réalisé que, comme il buvait de l’alcool, je risquais de le tuer. Je n’ai fait ça qu’une seule fois. Quand j’ai quitté mon premier mari, je suis partie en vitesse avec mon sac et mes pantoufles. Je suis allée loger chez une amie et des gens m’ont aidée. J’ai vécu cachée, même au travail. Je cachais ma carte de pointeuse pour éviter que mon mari me retrouve. Quand il a téléphoné au secrétariat pour me parler, connaissant la situation, on lui a répondu que je ne travaillais plus dans cette société. Mon mari a porté plainte pour disparition mais la police ne m’a jamais questionnée. Je n’osais plus sortir ni aller au cinéma. C’était très dur ; j’avais peur tout le temps.

Après j’ai eu un autre compagnon, nous avons eu des enfants mais, le jour où il m’a giflée, je l’ai quitté. Je suis partie immédiatement avec mes trois garçons qui avaient respectivement 4 ans, 2 ans et demi et le bébé de 15 jours.

Aujourd’hui, je suis mariée à Michel, que j’avais fréquenté jeune et que j’ai retrouvé après des années. Je trouve que la femme et l’homme sont complémentaires. Dans un ménage chacun doit apporter ce qu’il est capable de faire. Michel adore faire la cuisine et parfois on se dispute pour faire la cuisine !

Religions, croyances

J’ai grandi dans une famille catholique mais non pratiquante. Je suis allée à l’école catholique où j’ai été super heureuse. Dans mon école, nous n’étions pas obligées, d’aller à l’église.

À un moment donné dans ma vie, j’ai eu des difficultés et je me suis adressée à Dieu. Je suis entrée dans une église protestante et ce qui m’a plu c’était la liberté. On ne m’imposait rien, on me demandait de juger par moi-même. Dans l’église que je fréquente aujourd’hui, je peux discuter, je peux demander de l’aide pour réfléchir. Quand je ne suis pas d’accord avec mon pasteur, je le lui dis.

Je crois de plus en plus en Dieu. Je sais qu’il est avec moi, je lui parle.

Financièrement quand j’ai eu des problèmes, Dieu m’a toujours aidée à trouver la solution. Un jour j’ai senti la dépression m’envahir mais j’avais 4 enfants. J’ai dit « Seigneur aide moi ! ». Et j’ai senti quelque chose qui me libérait comme un bouchon d’une bouteille de champagne.

Pour moi c’est impossible de vivre sans Dieu.

Entre ici et là

Ma mère est venue en Belgique pour vivre avec mon beau-père car, en Espagne, le divorce n’était pas possible. Avec l’âge je me sens très déracinée. J’ai difficile à me situer. Je ne saurais pas habiter en Espagne car, même en vacances, je m’y sens mal à l’aise. Pourtant, le côté espagnol domine chez moi, je parle facilement avec les gens. J’aime la musique espagnole, orientale et belge. Je n’aime pas voyager, même pour partir en vacances.

La Belgique c’est le pays de mon cœur. Je ne supporte pas qu’on dise des choses contre les Belges. Les Belges sont chaleureux : quand ils te connaissent, ils t’ouvrent leur cœur. Je suis contente maintenant d’avoir épousé un Belge. Le racisme m’énerve. J’ai un fils qui est roux, il a souvent été moqué. Je trouve que c’est aussi du racisme.

Forum sur abonnement

Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.

s’inscriremot de passe oublié ?