Extrait de "Nous racontons notre vie" 2020-21

Je suis née à Tubize en 1945, à la fin de la guerre.

Depuis toute petite, à l’école, surtout en première secondaire, on m’appelait « bouboule » parce que j’étais un peu enrobée. Le drame de ma vie est d’avoir été complexée par mon corps et cela a tout influencé dans ma vie. Bien sûr, les garçons préfèrent les filles minces.

Le jour où j’ai rencontré mon mari, le fait qu’il était amoureux de moi m’a changée. Il était marin et cela me plaisait. Il avait des beaux yeux bleus qui reflétaient la mer. On parlait de grands espaces, de bateaux, de notre envie de voyager, ...

Je me suis mariée en 1967. Six jours après mon mariage, mon mari est reparti en mer et je ne l’ai plus vu pendant 6 mois. Je me disais : « ce n’est pas possible, on ne peut pas vivre comme ça ». J’ai téléphoné à la compagnie maritime pour trouver une solution. Je suis tombée sur un bonhomme qui m’a dit : « j’ai dans la tête de faire venir des épouses de membres de l’équipage pour travailler comme stewards. ». J’étais partante et j’ai été donc la première femme à travailler sur des bateaux marchands !

On a fait de grands voyages. Le bateau transportait alors le minerais de fer vers le Japon. Ce qui donnait une terrible poussière rouge. Avant d’arriver au port, on tapissait les murs de papiers pour avoir ensuite la facilité de les retirer. Quand on quittait le bateau, on devait changer de vêtements. J’avais embarqué sur un très gros bateau qui a été affrété par les Japonais pendant 5 ans. Donc, on faisait des traversées entre le Chili et le Japon et l’Australie aussi. On avait le droit de revenir à la maison tous les 18 mois et on avait alors 4 à 5 mois de congé. Un jour, j’ai fait une fausse couche, en plein milieu de l’océan. Sur les navires-marchands, il n’y avait pas de médecin à bord, juste un infirmier.

Quand ma fille Zoé est née, j’ai dû faire des choix, je n’ai pas voulu la mettre à la crèche. Alors, j’ai été servante chez des aristocrates. Ils acceptaient que je fasse le ménage avec ma fille près de moi. J’ai aussi travaillé comme éducatrice dans des maisons d’enfants du juge. Là aussi, j’avais Zoé avec moi. Après un an, j’ai eu mon petit garçon. J’ai alors travaillé pendant 5 ans dans une maison d’enfants du juge.
Quand mon mari était en mer, moi j’étais toute seule à la maison. Mais je l’avais choisi, j’étais amoureuse de lui et j’ai bien vécu cela. L’amour me portait et cela m’a permis d’être aussi très indépendante. Je menais ma vie comme je l’entendais. Je reconnais que mon mari étant parti pendant des mois et des mois, je l’ai parfois trompé. Quand je le lui ai dit, il a eu une réaction merveilleuse : « je ne t’aime donc pas encore assez ».

Lorsque mon mari a eu 20 ans de carrière dans la marine, on a fait construire un bateau à Thuin. Il a fallu 5 ans avant de le mettre à l’eau. Puis, il y a eu des voyages et enfin le Portugal. Au cours des voyages, on faisait ce qu’on trouvait comme boulot. On s’occupait des bateaux des autres, j’ai donné des cours particuliers, j’ai vendu des gaufres, des crêpes,... Sur le bateau, on partageait tout. Mon mari cuisinait et je prenais le quart et ainsi de suite.

Ce qui est comique, c’est que j’ai le mal de mer. Du coup, le grand tour du monde qu’on voulait faire avec nos enfants s’est arrêté au sud du Portugal.

Avec mon mari, nous avons vécu une histoire extraordinaire !

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