Récemment, lors d’une promenade je suis repassé devant la maison de mes grands-parents à Limont près d’Esneux ; les souvenirs affluent et j’ai repensé à la vie que menaient mes grands-parents chez qui j’allais en vacances, enfant, et j’ai eu envie de vous en parler. Nous n’avons aucune idée aujourd’hui de la vie qu’on menait à cette époque (1945-1950) dans un petit village à la campagne.
Si vous aussi vous avez de tels souvenirs…pourquoi ne pas nous en faire part ?
Cela pourrait être amusant et intéressant de comparer nos enfances respectives.
La vie de mes grands-parents :
Le chauffage au charbon ; on commandait son charbon par tonnes ; le meilleur, c’était l’anthracite ; mais c’était aussi le plus cher, et on n’avait pas toujours les moyens de se l’offrir : il fallait parfois se contenter de "boulets".
Le fournisseur déposait le charbon sur le trottoir, et il fallait le rentrer dans la cave par le soupirail. Chaque jour, on descendait à la cave muni d’un seau à charbon de forme ovale avec un bec verseur et une anse, et on remontait la quantité de charbon nécessaire pour un jour. Il n’y avait qu’une seule source de chaleur dans la maison et elle servait aussi pour la cuisine. En hiver, toutes les autres pièces étaient froides (le chauffage central n’existait que chez les riches) et on se tenait forcément tous dans la même pièce. Le soir, en hiver, on mettait le "feu" en continu : ça consistait à le charger à fond et à fermer la clef pour qu’il fonctionne au ralenti pendant la nuit ; le matin, il n’y avait qu’à rouvrir la clef et recharger.
On montait se coucher dans des chambres glaciales, et, pour ne pas devoir descendre au WC pendant la nuit, on avait un pot de chambre sous son lit.
Pour cuisiner, on mettait la casserole sur la cuisinière (Nestor Martin chez mes grands-parents ; chez mes parents Fopona, puis La Couvinoise et, plus tard, un "continu" Surdiac dans la salle à manger) en ôtant le nombre de cercles de fonte nécessaire pour que le diamètre de l’orifice corresponde au fond de la casserole qui se trouvait de ce fait directement exposé à la flamme ; il y avait aussi deux "coffres" (fours) pour les tartes et pour chauffer les fers à repasser.
Il n’y avait pas de salle de bains (seuls les riches en possédaient) et on prenait son bain une fois par semaine dans une "tine" (bassine) en galvanisé, avec de l’eau chauffée dans la bouilloire sur la cuisinière.
On faisait la lessive une fois tous les quinze jours dans une machine en bois, "le tonneau", avec un pulsateur entraîné par un moteur synchrone qu’il fallait lancer à la main ; il fallait aussi chauffer de grandes quantités d’eau sur la cuisinière car la machine ne s’en chargeait pas.
Pour le blanc, on ajoutait du "bleu" à l’eau de rinçage avant de le mettre à sécher dehors sur l’herbe : on appelait cela « verger », et c’était supposé rendre le blanc bien blanc. Il fallait remplir et vider la machine à la main avec des seaux. La lessive prenait une journée entière !
Le café était vendu en grains : il fallait le moudre soi-même ; nous avions un moulin à café en bois surmonté d’un dôme en cuivre dans lequel on introduisait les grains à moudre ; on tournait la manivelle en serrant le moulin entre les genoux pour bien le maintenir ; le café moulu s’écoulait dans un tiroir en bois ; c’était pour le gamin que j’étais alors un grand plaisir de moudre le café, une récompense !
Ensuite on introduisait le café moulu dans le « ramponneau », une espèce de chaussette fixée à une rondelle de fer blanc, qu’on posait sur une cafetière émaillée ; on y versait ensuite de l’eau bouillante qu’on avait fait chauffer dans un bouilloire ; c’est ainsi qu’on faisait le café ; on pouvait alors le verser par la buse incurvée de la cafetière ; celle-ci restait sur le coin de la cuisinière pour qu’il y ait toujours du café chaud * ; il était de coutume entre voisins d’ aller les uns chez les autres, spécialement vers 4 heures, « prendre le café ».
Une expression pittoresque : quand le café était trop clair, on disait : « On voit Napoléon au fond de ton café » ; bien des années plus tard, j’ai eu l’explication de cette expression qui serait liée à l’utilisation de la vaisselle Empire ; le monogramme de Napoléon y figurait au fond des tasses, et si le café était bon, on ne le voyait pas ; café trop clair, Napoléon visible ! Si ce n’est pas vrai, ça mériterait de l’être !
Dans l’immédiat après-guerre, le petit village de mes grands-parents n’avait pas le téléphone ; il fallait aller à Tavier (3 km) pour avoir accès à un téléphone….pratique !
Pire, il n’y avait pas l’eau courante…il y avait une pompe au centre du village (environ 100m de la maison) ; il fallait aller chercher l’eau avec deux seaux suspendus à une palanche (en wallon, on hârkè) qu’on portait sur les épaules ; on versait l’eau dans un tonneau et on en avait pour un ou deux jours, puis il fallait recommencer…
Mon père se souvenait même d’une époque où on n’avait pas l’électricité, on s’éclairait avec un quinquet (qui sait encore ce que c’est ?). Les soirées n’étaient pas longues en hiver… mais, en été, on se regroupait avec les voisins devant la maison sur la « pavée »…on passait la soirée jusqu’à 21h30 environ en papotant, éventuellement on jouait aux cartes.
Mon grand-père fumait une superbe pipe en écume dont le fourneau représentait une tête d’Arabe avec un turban… cela, je l’ai connu jusqu’en 1951, 52.
Le poêle était un poêle-crapaud avec deux fours… les fers à repasser étaient en fonte et on les chauffait sur le poêle (à charbon, bien sûr).
Il y avait encore beaucoup de chevaux et leur crottin était très recherché comme engrais pour le potager ; dès qu’on voyait un cheval se soulager, on se précipitait avec une ramassette et une petite brosse pour récupérer le trésor.
Sur la façade une vigne grimpante donnait des petits raisins verts très sûrs.
Cette vigne ne portait qu’un an sur deux et il n’en reste rien actuellement.
Dans le village, la langue usuelle était le wallon et les surnoms pullulaient : "li djène (le jaune), li bleu, li blan et li règuèdé...." Je n’ai jamais su ce que signifiaient ces surnoms et mon père ne le savait pas non plus.
On voyait parfois un personnage très pittoresque à tête d’Arabe (à l’époque, c’était rare et exotique) qui allait de maison en maison et vendait des tapis ; on l’appelait le "tchouk tchouk nougat". Il n’a pas dû faire fortune à Limont.
Il ya avait 2 fanfares : la Lyre et L’harmonie, l’une catholique et l’autre socialiste ; et une société de gymnastique. Et 3 magasins : la Coopérative socialiste, le « Bien Être » catholique, et le C.A.V. supposé libéral (?),,,,,,
Tout cela dans un petit village, loin de la grand route.
La maison que j’ai revue récemment a été transformée et aménagée mais la structure d’origine est restée.