Il me reste deux semaines pour montrer ma reconnaissance à tous ceux qui ont participé à la construction de notre maison à Cochabamba en Bolivie début 2007.
Lundi dernier, à quinze mètres de la maison, j’ai eu l’attention attirée par une cuvette d’environ un mètre de diamètre et un demi-mètre de profondeur, tapissée de briques et partiellement remplie de pierres. J’avais pensé remplir le trou de terre arable pour y planter un palmier. J’ai voulu en savoir plus sur l’origine de cette excavation en interrogeant Marco, le plafonneur. Il me parle des traces de la préparation d’un plat typique des hauts-plateaux. Envoûté par ses explications je lui demande si avec Don Daniel, son beau-père, ils seraient d’accord de préparer un tel repas le samedi midi, en invitant les corps de métiers ayant participé à la construction de la maison. Aucune hésitation. J’en parle à Don Mario, l’entrepreneur. On se met d’accord sur le nombre de participants : une trentaine. Et le nombre de poulets à acheter : douze, mettons quinze pour ne pas paraître pingre.
Le samedi, avant huit heures, Mama Mona et Papa Francisco, mes beaux-parents, partent acheter :la quinzaine de poulets à couper en morceaux, dix kilos de pommes de terre, des platanos-bananes à cuire- des oignons, tomates et laitues. Vers dix heures Don Daniel et son beau-fils agrandissent la cavité, la tapissent de briques, préparent des pierres en les lavant, rassemblent des bois de construction voués aux déchets. Au moyen de fers à béton, ils réalisent un savant montage où se mêlent bois et pierres. En-dessous papier journal et petit bois. A onze heures, mise à feu. C’est presque le départ d’une fusée : fumées et flammèches puis feu puissant. On croirait l’émergence d’un mini-volcan. De temps en temps une pierre éclate. A trois, munis de pelles dont l’une à long manche, les tisons non consommés sont retirés. Les pierres brulantes sont rassemblées. Deux grandes casseroles en aluminium contenant les volatiles sont amenées. Astuce : pierres et morceaux de volaille sont alternés dans les marmites. Ces dernières, munies de leurs couvercles sont placées au centre de la cuvette puis rapidement entourées de pommes de terre, de bananes à cuire et d’autres pierres surchauffées. L’ensemble est soigneusement recouvert de nombreux papiers forts provenant de sacs de ciment. Puis abondamment recouverts d’une couche de terre d’une vingtaine de centimètres d’épaisseur. Le tout sous un soleil…absent, avec, de temps en temps une petite pluie fine. C’est la première fois depuis mon arrivée il y a un mois qu’il fait couvert tout au long de la journée et que la Cordillère des Andes habituellement si majestueuse se cache sous les nuages. Voilà, me dit-on : il suffit d’attendre entre 45 et 60 minutes. Il est midi trente. A treize heures quinze je préviens : 3/4h. Les trois hommes reviennent. Avec le soin d’archéologues découvrant une momie inca, la couche de terre est enlevée. Les nombreuses couches de papier sont ôtées tels des linceuls. Oh merveille : on me passe une pomme de terre délicieusement cuite à point. Puis c’est l’enlèvement des couvercles : parmi les pierres fumantes s’élève le fumet de la basse-cour promue met royal : le plat des Andes, p’ampaku.
Entretemps les corps de métiers arrivent de divers chantiers. Je ne les connais pas tous. Mama Mona et Papa Francisco arrivent avec les salades et boissons. Assiettes copieuses : énormes portions de poulet, deux pommes de terre, une banane cuite avec sa pelure, un épi de maïs cuit à l’eau et la salade. Les hommes se dispersent dans le jardin. Outre les maçons il y a peintres, parqueteurs et menuisiers. Je suis subjugué. D’où peut remonter cette façon de cuisiner répandue sur l’ Alti-plano des Andes. Ceux qui ont vécu dans ces villages éloignés disent que la volaille peut être remplacée par du porc, des poissons, du gibier. Les natifs de Cochabamba voient pour la première fois cette préparation élaborée. A la fin de ce festin, je remercie tous ceux qui ont contribué à la construction, à en faire une œuvre d’art, exemple du savoir-faire bolivien. L’après-midi se poursuit. Les hommes partent après avoir reçu leur paie. Marlen, l’architecte s’étant trompée d’heure arrive avec son conjoint pour se contenter des restes.