Je suis née à Anderlecht en 1939. J’y ai toujours vécu. Célibataire et sans enfants, j’ai été une femme libre et ai vécu de mon travail.

Le sexe ? La seule fois où ma mère m’en a parlé, elle m’a parlé des règles. J’avais 11 ans. Pour une fois, elle s’intéressait à moi. J’ai mis de l’encre rouge pour faire croire que j’étais déjà réglée !

Quand j’étais jeune adulte, mes amies avaient des aventures, mais la pilule n’existait pas encore. Les femmes tremblaient à l’idée d’être enceinte. Je me suis dit, moi ça jamais ! A cette époque, j’ai rencontré des hommes, j’ai été amoureuse mais cela est resté platonique.

Un jour, ma mère m’a dit : « Si tu rencontres un homme marié, je préfère mourir ! » Cette phrase m’a poursuivie et influencée. D’instinct, j’ai été vers des hommes non libres, avec des problèmes.

Quand la pilule est arrivée dans les années 67, j’avais 26 ans et je me suis dit, maintenant je me laisse aller ; je suis partie en Italie et en avant !

J’ai rencontré un Italien. On a eu une liaison pendant deux ans. Il travaillait dans l’hôtellerie. A un certain moment, il travaillait à Stuttgart. Il a proposé de venir me rejoindre à Bruxelles, mais mon père a dit : « jamais un étranger » ! J’ai menacé de partir en Allemagne. Mon père a dit : « si tu pars, tu ne reviens plus jamais ». Je suis partie un jour à 5 h du matin dans le noir pour le retrouver. Quelques jours après, quand je suis revenue, ils étaient tous les deux dans un fauteuil, comme deux juges. Mon père m’a dit : « Monte dans ta chambre ». J’ai eu des idées de suicide, mon père l’a senti et m’a finalement dit : « Tu feras ta vie comme tu le veux ». Jamais plus pendant le reste de leur vie, on a échangé un mot sur le sujet. Je ne voulais pas qu’ils souffrent.

L’année d’après, j’ai déménagé pour aller habiter seule dans un appartement. Mes parents ne comprenaient pas pourquoi, ni pourquoi je ne me mariais pas.

Je n’ai jamais rencontré l’homme avec qui j’aurais aimé vivre, me marier et avoir des enfants. Si je me mariais, c’était pour avoir des enfants. Mais pour élever des enfants, il fallait être sur la même longueur d’onde, en harmonie. Pas comme mes parents, qui ne s’entendaient pas.

Le seul homme qui aurait convenu était bien sûr marié ; je lui ai demandé de vivre avec moi mais il n’a pas voulu ; il avait trois enfants adolescents et ne voulait pas divorcer. Nous nous sommes vus pendant 20 ans … Aujourd’hui quand je vois ce qu’il est devenu, je ne regrette rien.

La pilule m’a libérée et m’a permis d’avoir des relations sexuelles et amoureuses, sans crainte et dans la joie. J’ai eu des relations plus longues, d’autres plus courtes, pendant les vacances. J’ai connu un Marocain, un Africain. J’ai toujours été discrète.

Je n’ai jamais vécu en couple. J’ai eu la vie sentimentale d’une célibataire libre. A l’époque, ce que je vivais était banni par la société ; j’étais la seule parmi mes amies qui vivait comme cela ; mais elles m’acceptaient.

Maintenant que je suis au bout de ma vie, je ne regrette pas mon célibat. J’ai vécu libre, indépendante et courageuse. Les maux de la vie, je les ai affrontés seule. J’en suis fière. Je m’aime bien.

L’amitié reste la grande affaire de ma vie. J’ai été beaucoup plus heureuse dans mes amitiés que dans mes amours… J’attends de mes amis ce qu’ils peuvent me donner…

Le fait d’être sans descendance m’indiffère. Si j’en avais eu, j’aurais aimé qu’ils soient bien dans leur peau et leur corps mais pour cela j’aurais dû être en harmonie avec moi-même et avec mon compagnon. Tel n’a pas été mon chemin de vie.

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