Ils se sont rencontrés en Italie du Sud en 1960. Lui, italien, né à Naples, elle belge, née à Bruxelles. Ils se marièrent et vécurent heureux pendant cinquante ans.

Pour lui plaire il a accepté de vivre à Bruxelles en quittant sa région napolitaine. Entre le Sud et le Nord il y a une énorme différence de climat mais aussi de mentalité.

Elle s’est adaptée à la cuisine italienne, lui a essayé de comprendre comment les belges supportent le froid.

Les divergences de caractères sont normales dans un couple, mais elles s’imposent davantage dans un couple mixte.

C’est au moment des fiançailles que la première différence de point de vue s’est présentée.

  Un contrat de mariage ? On s’aime, on se prépare pour la vie et vous voulez m’imposer un contrat ? disait-il outré.

Cette proposition du père de sa fiancée le choquait profondément.

  Dans mon pays c’est un affront, je refuse !

Il était convaincu de l’absurdité de la démarche vu qu’ils ne possédaient pas grand-chose ni l’un, ni l’autre. Elle avait toujours entendu parler de cette formalité avant mariage, estimait cela normal et n’y voyait aucun inconvénient. Le père exigeait, menaçait, les fiançailles risquaient de se rompre. Finalement ils se rendirent chez le notaire et le contrat échoua définitivement au fond d’un tiroir.

L’amour fut le plus fort,

Ils achetèrent une chambre à coucher en deuxième main. Faire une bonne affaire en équilibrant le budget était tout à fait courant pour elle. Il s’y résigna à contre cœur car à Naples la chambre matrimoniale est la pièce maîtresse de la maison.

L’amour fut le plus fort

Les premiers jours du mariage, voulant lui faire plaisir, elle fit l’effort de respecter la tradition : lui servir son café au lit. Il a toujours vu sa mère faire ainsi. Pour lui c’était naturel.et il fut très étonné quand après quelques jours elle abandonna cette habitude. La soumission, non merci ! Il s’inclina.

L’amour fut le plus fort.

Elle avait beaucoup d’amis belges. Sa grande passion était le théâtre amateur. Bien qu’admirant les spectacles et son talent, il se sentait exclu de ce monde particulier. Très vite, elle comprit que cette activité ne serait plus possible pour elle.

  Tu vas répéter trois fois par semaine, jouer et monter des spectacles, lui dit-il. Et moi je fais quoi ? Je t’attends ?

Il avait tout quitté pour la rejoindre, elle ne pouvait qu’abdiquer.

L’amour fut le plus fort !

A la naissance du premier enfant, fier d’être papa, il promenait régulièrement le bébé au parc, mais quand ses parents arrivèrent de Naples pour le baptême, il s’est abstenu de pousser la voiture d’enfant en disant à son épouse :

  Ils ne comprendraient pas. Les hommes ne partagent jamais cette charge à Naples.

Elle admit que son macho de mari ne pouvait perdre la face.

L’amour fut le plus fort.

Les vacances se déroulaient toujours dans le Sud de l’Italie. Le sable, le soleil, le ciel bleu, la mer limpide ; difficile d’envisager une autre destination.

  C’est le plus bel endroit du monde, répétait-il inlassablement.
Elle ne pouvait que lui donner raison.

Elle admirait en silence cette volonté qu’il affichait en Belgique devant tant de différences. Dès qu’il traversait la frontière il devenait un autre homme. La lumière, les voix, les odeurs le transformaient.

Elle adorait la mer du Nord. Ils y allèrent souvent en toutes saisons. Il s’habitua aux plages belges, le vent, la brume, les nuages, la mer qui se retire si loin, le soleil si prudent à darder ses rayons. Elle se fit convaincante, il s’y résigna. Mais il ne comprit jamais cette obstination à s’installer à la plage, même sans soleil.

L’amour fut le plus fort.

Quand, à l’âge de vingt ans, la fille ainée annonça son intention de se mettre en ménage avec son petit-ami, ce fut la catastrophe.

  Jamais ma fille ne quittera la maison sans être mariée, décréta son père. Dans notre famille cela n’existe pas ! Jamais !

Dès lors s’installa une période de lutte, de discussions, de disputes, d’arguments divers. L’ambiance se détériorait. La mésentente était inéluctable. Sa femme essayait de se positionner en arbitre mais le jour où il annonça sans détour :

  - Si c’est ainsi, je n’ai plus de fille.

Son cœur de mère mit son époux au pied du mur

  Dans ce cas c’est réglé, je pars moi aussi, lui dit-elle bien décidée à défendre sa fille et la famille

Quelques mois plus tard, le jeune couple se mit en ménage. Sans les approuver, il offrit tout de même son aide.

L’amour fut le plus fort.

Elle souhaitait devenir propriétaire. C’est généralement le but de beaucoup de couples en Belgique. Elle en parlait souvent, s’étonnait de son désintéressement.

Il a toujours pensé que son séjour en Belgique n’était que provisoire. Il refusait d’acheter un bien immobilier, de peur de se fixer définitivement. La réussite de ses enfants stabilisa irrémédiablement son encrage et ils investirent dans l’achat d’un appartement après quarante ans de mariage.

L’amour fut le plus fort

Il se disait catholique mais non pratiquant. Par contre il estimait important de faire baptiser ses enfants. Ses six petits-enfants ne furent pas baptisés.

Elle allait de temps en temps à l’église, elle aimait s’y recueillir.

  C’est une affaire de femme disait-il en souriant.

Il préférait ne pas montrer sa faiblesse. Mais il a rêvé toute sa vie du mariage de sa fille à l’église.

Sa femme aurait aimé lui faire plaisir, mais autour d’eux beaucoup de jeunes couples n’étaient pas mariés, c’était devenu banal.

L’amour fut le plus fort.

Tout ceci donne une petite idée des obstacles qui peuvent subvenir dans un couple mixte. En acceptant de part et d’autre les différences, en essayant de comprendre, d’expliquer les raisons et l’origine du conflit, l’amour sera le plus fort !

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