Mes parents se sont séparés quand j’avais 5 ans. C’était en 1963. Mon père n’était pas un méchant homme mais il était faible de caractère. Et quand une autre femme s’est présentée dans sa vie, il nous a quittés Maman et moi.
Ma maman était née dans une famille aisée. Mon grand-père, son papa, était entrepreneur. Il surveillait les travaux dans la construction de maisons. Il contactait les ouvriers et vérifiait que leur travail était conforme aux plans donnés par les architectes.
Dans ce milieu-là, à cette époque, les femmes ne travaillaient pas. Elles restaient à la maison, s’occupaient des enfants et du ménage.
Au moment de la séparation de mes parents, mon père a fait faillite. La belle maison que mes parents avaient fait construire a donc été vendue. Ma maman a tout perdu dans cette histoire : son mari, sa maison et son argent. Il ne lui restait que sa fille : moi !
Elle a donc dû trouver rapidement du travail. Mais il fallait qu’elle trouve un travail qui lui permettait d’être souvent à la maison pour pouvoir s’occuper de sa fille et ne pas la laisser seule quand elle allait travailler. Elle a donc trouvé un emploi de concierge dans un building qui venait d’être construit. Ma Maman qui venait d’une famille riche s’est mise à nettoyer des escaliers, des corridors… Elle devait sortir les poubelles deux fois par semaine et recevoir les colis destinés aux gens qui habitaient le building. Ce travail n’était pas bien payé mais il lui permettait de me garder près d’elle puisqu’elle n’était jamais très loin de la loge où nous vivions.
Dans les années 60, se séparer de son mari cela ne se faisait pas ! C’était très mal vu ! Il y a des familles où je ne pouvais pas aller jouer. Les parents pensaient peut-être que cela donnerait de mauvaises idées à leurs enfants. Heureusement, tous n’étaient pas ainsi et j’ai trouvé refuge dans de nombreuses familles aimantes. J’y étais bien accueillie même si ma maman vivait seule avec moi. J’étais, dans mon entourage proche, la seule petite fille qui ne vivait pas avec son papa et sa maman. A l’école, dans la famille, dans les mouvements de jeunesse, chez les amis, il n’y avait pas de familles dont les parents étaient séparés.
De plus, à l’époque, l’Eglise catholique n’acceptait pas la séparation des époux. Ce que Dieu avait uni, l’homme ne pouvait le désunir. Les hommes et les femmes séparés ne pouvaient plus aller à la messe, ni recevoir la communion. C’était très injuste pour ma Maman car elle était croyante et se trouvait rejetée dans sa foi. Elle pensait qu’elle n’était pas responsable si son mari avait décidé de partir avec une autre femme…
Je devais voir mon père une fois par semaine. C’était le mercredi après-midi. Mon père venait me chercher à l’école à midi. Comme il travaillait comme électricien, il m’emmenait sur ses chantiers. Parfois, je l’aidais à « tirer des fils ». Mais le plus souvent, je faisais ce que je voulais toute l’après-midi. Je jouais dehors, sur le chantier. J’allais cueillir des fleurs dans les champs des environs. Je ramassais des pommes, des noix, des châtaignes selon la saison. Les enfants étaient très libres à cette époque. Il suffisait de les rappeler à la fin de la journée…
Quand j’ai eu douze ans, un juge m’a demandé de choisir : continuer à voir mon père une fois par semaine ou décider moi-même quand je voulais le voir. C’était assez révolutionnaire pour l’époque. J’ai opté pour la seconde solution. Et je n’ai plus jamais vu mon père.
Mais quand j’ai voulu fonder une famille, il m’a fallu trouver quelqu’un d’honnête et sérieux. Je ne voulais pas du plus bel homme. Je ne voulais pas d’un homme riche. Je voulais vivre avec un homme qui souhaitait former un couple uni, avoir plusieurs enfants et une seule femme.
Ainsi fut fait…
JeannineK Répondre
en lisant cette histoire, j’éprouve un sentiment de regret, de peine pour cette petite fille de 12 ans qui a fait le choix de ne plus voir son papa.
Dommage !